Tunisie : Quelles chances pour Mondher Zenaïdi d’accéder à Carthage ? (Vidéo)  

Mondher Zenaïdi, homme du passé s’il en est, pense-t-il vraiment pouvoir apparaître au regard des Tunisiens comme un homme du renouveau ? Pense-t-il sérieusement pouvoir être élu président de la république par des Tunisiens déboussolés et en perte de repères?  Vidéo.

Par Ridha Kefi  

L’ancien ministre n’a pas encore dit clairement qu’il présenterait sa candidature à la présidentielle de l’automne prochain, mais il fait comme s’il était déjà en course pour le Palais de Carthage en multipliant les apparitions sur les réseaux sociaux où il critique le pouvoir de Kaïs Saïed et se donne pour mission de sauver une patrie en danger.    

Depuis son exil volontaire en France, l’ancien candidat malheureux à la présidentielle de 2014, remportée par Beji Caïd Essebsi, a publié, lundi 8 avril 2024, une nouvelle vidéo sur sa page facebook où il s’adresse aux Tunisiens et leur présente non pas un programme politique en bonne et due forme, mais les grands titres d’un programme de sauvetage d’une Tunisie présentée comme un pays en déperdition.    

M. Zenaïdi sait, bien sûr, que son nom est souvent associé au régime dictatorial de Ben Ali, qu’il a servi comme ministre pendant les 23 années de son règne sans discontinuer, entre 1987 et 2011 (il avait dirigé les ministères du Commerce, du Tourisme, de la Santé…), mais sans faire d’autocritique – ce serait peut-être trop lui demander –, il affirme, dans sa vidéo, ne vouloir retenir que le meilleur de cette période pour le mettre au service de son pays. Et le meilleur, selon lui, c’est sa bonne connaissance du pays, du peuple, de l’Etat, de l’administration et des réformes qui doivent être mises en œuvre dans l’urgence pour relancer une machine en panne.

Priorité aux questions socio-économiques

Son programme, qui aurait été élaboré par des compétences tunisiennes, serait essentiellement axé sur les questions socio-économiques. Il porterait sur l’amélioration du niveau de vie des citoyens et la préservation de leur sécurité et de leur liberté.

Pour le reste, Zenaïdi multiplie les critiques envers l’actuel locataire du palais de Carthage, qui serait, selon ses termes, «un président sans boussole, un président sans espoir, un président qui ne prête pas attention aux maux du peuple, qui n’est pas conscient de la flambée des prix, qui n’écoute que les déclarations de ses opposants et voit des complots partout  (…), qui utilise les ressources de l’État pour se débarrasser de ses rivaux politiques au lieu de combattre les ennemis de la Tunisie que sont le chômage, l’inflation, l’insécurité, la corruption, l’absence d’horizon et les files d’attente sans fin».

Ses premiers pas, une fois élu, seraient, dit-il «l’annulation de tous les décrets limitant la liberté d’opinion, d’expression et de la presse, la levée des restrictions sur les partis politiques, la libération des détenus politiques et l’abolition des barrière les empêchant d’exercer leurs droits de se présenter aux prochaines élections et de contribuer aux efforts de sauvetage…» Autres promesses de précampagne : la réhabilitation de l’institution judiciaire, pour renforcer son indépendance du pouvoir exécutif, la réinstauration du Conseil supérieur de la magistrature et la mise en place d’une Cour constitutionnelle.

Voilà pour les grandes annonces, qui n’engagent que ceux qui y croient. Mais quelles seraient les chances de cet outsider de retourner en sauveur dans une Tunisie qui n’a pas encore tourné la page de l’ancien régime, ancien régime dont M. Zenaïdi est l’une des figures les plus emblématiques, en termes de longévité politique ?

L’éternel retour des Destouriens

On constatera, au passage, que depuis quelques temps, le président Kaïs Saïed concentre ses attaques sur l’ancien ministre de Ben Ali, conscient peut-être du fait qu’il pourrait être un redoutable adversaire en perspective de la prochaine présidentielle, d’autant qu’après l’incarcération de Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), ce dernier fait figure de principal représentant des Destouriens, les fondateurs de l’Etat tunisien moderne et ses héritiers légitimes. Et même s’il traîne de nombreuses casseroles, M. Zenaïdi, centralien formé dans de grandes écoles en France, peut faire prévaloir son expérience de gestionnaire des affaires publiques, et sa connaissance intime des rouages de l’Etat et de la société où il a longtemps joué un rôle de premier plan.

Mais M. Zenaïdi, qui fait face à des poursuites judiciaires pour des faits de corruption, pourrait-il courir le risque de rentrer en Tunisie afin de présenter sa candidature auprès de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et faire campagne pour la présidentielle, comme le stipule la loi ?

Selon des sources proches de la présidence de la république, le chroniqueur Nejib Dziri pour ne pas le nommer, la candidature de M. Zenaïdi ne serait pas acceptée. Et pour cause : la commission électorale lui chercherait (et lui trouverait forcément) des poux. Dans un arrêté relatif à l’élection présidentielle, l’Isie pourrait ajouter une nouvelle condition à celles déjà spécifiées dans la Constitution et la Loi électorale : au moment du dépôt de sa candidature, le candidat doit être résident sur le sol tunisien. Ce qui, bien sûr, fermerait la porte au nez de certains candidats à la candidature, dont M. Zenaïdi.

Enfin, M. Zenaïdi, homme du passé s’il en est, pense-t-il vraiment pouvoir apparaître au regard d’une majorité de Tunisiens comme un homme du renouveau ? Son ancienne allégeance aveugle à Ben Ali et à son épouse Leïla Trabelsi sera-t-elle oubliée de sitôt par ses compatriotes? Qu’on nous permette d’avoir des doutes à ce propos, même si on doit sérieusement s’attendre au pire de la part des Tunisiens, qui ont déjà montré par le passé leur incapacité à faire les bons choix, notamment en politique. On peut donc compter sur eux pour se gourer une nouvelle fois…

Vidéo.

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