La Tunisie sera-t-elle privée de drapeau aux JO Paris 2024 ?

Le ministre de la Jeunesse et des Sports sera peut-être limogé par le président de la république après le coup de tonnerre des sanctions infligées à la Tunisie par l’Agence Mondiale Antidopage (AMA). Mais serait-ce là la solution aux dysfonctionnements administratifs ayant conduit à la crise actuelle du sport tunisien ?

Par Leith Lakhoua *

Dans un retentissant coup porté au sport tunisien, l’AMA a décidé que le drapeau tunisien ne sera pas autorisé à être levé aux Jeux olympiques et paralympiques tant que le pays ne sera pas réintégré par l’Agence.

Par ailleurs, la Tunisie ne devrait plus pouvoir accueillir de championnats régionaux, continentaux ou mondiaux.

Les représentants tunisiens ne seront pas non plus éligibles pour siéger dans les comités ou conseils d’administration de l’AMA.

Dans un communiqué publié mardi 30 avril 2024, l’agence explique que la décision de non-conformité à l’encontre de la Tunisie est «définitive» et «avec effet immédiat», et qu’elle résulte de «son incapacité à mettre pleinement en œuvre la version 2021 du code mondial antidopage au sein de son système juridique».

Le pays disposait de quatre mois à partir de novembre 2023 pour adopter «un certain nombre de modifications aux textes législatifs et règlementaires» afin de conformer le cadre juridique tunisien.

Mais début avril, «les non-conformités n’étaient toujours pas résolues» et l’Agence nationale tunisienne antidopage (Anad) «n’a pas contesté» l’allégation de non-conformité de l’AMA.

Des lacunes de gouvernance

Cette sanction, motivée par des manquements aux règles antidopage, met en lumière les lacunes du ministère de la Jeunesse et des Sports dans la gestion du sport national en général et de ce dossier sensible en particulier.

Il est indéniable que le ministère tunisien est fautif dans cette affaire, en ayant négligé de prendre les dispositions nécessaires à temps pour garantir la conformité de la réglementation nationale aux normes antidopage internationales. Cette négligence a ouvert la voie à l’intervention de l’AMA, qui plus est, après des avertissements qui n’ont pas été écoutés par nos responsables.

Certains ont critiqué l’empressement de l’agence, qui aurait pu, selon eux, accorder un sursis à la Tunisie, lui offrant une période supplémentaire pour rectifier le tir avant de prendre une décision aussi lourde de conséquences.

La réaction en interne ne s’est pas fait attendre, et il est probable que le président Kaïs Saïed destituera le ministre actuel, qui n’a pas fait preuve de réactivité et d’efficacité dans la gestion de nombreuses crises, comme celle qui secoue depuis plusieurs mois la Fédération tunisienne de football (FTF).

Cependant, une telle décision ne résoudra pas le problème de fond. La Tunisie doit impérativement se conformer aux exigences internationales en matière de lutte antidopage, et le ministère de la Jeunesse et des Sports a commis une erreur en espérant une clémence de la part de l’AMA. Cette attitude démontre une certaine nonchalance qui, au final, a conduit à cette décision préjudiciable pour le pays.

Réorganisation en profondeur de la politique antidopage

Pour restaurer sa réputation sur la scène sportive internationale, la Tunisie doit désormais redoubler d’efforts pour mettre en place des mesures efficaces de lutte contre le dopage et assurer une conformité totale aux normes de l’AMA. Cela nécessitera un engagement ferme et une réorganisation en profondeur de la politique antidopage du pays, afin de garantir que de telles sanctions ne se reproduisent pas à l’avenir.

Rappelons, à ce propos, qu’un conseil des ministres, tenu lundi 29 avril 2024 au Palais du Gouvernement à la Kasbah, sous la présidence du chef du gouvernement, a approuvé un projet de décret modifiant le décret n° 2024-187 du 5 avril 2024, fixant l’organisation administrative et financière ainsi que les modalités de fonctionnement de l’agence nationale de lutte contre le dopage. Trop tard ! Le coup était parti.

Il ne fait aucun doute que l’AMA va revoir sa décision et rétablir la Tunisie dans ses droits à la lumière de cette évolution, mais pourquoi a-t-on temporisé et louvoyé au risque de voir le pays ainsi désigné du doigt ?

* Conseiller en logistique et organisation industrielle.

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