Mandat d’arrêt contre Netanyahu : une gifle pour Israël!

La décision de Karim Khan, procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), d’émettre un mandat d’arrêt international contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité est un précédent historique. La juridiction internationale a souvent été critiquée pour ne poursuivre que les dictateurs africains et sud-américains et d’épargner les responsables israéliens en dépit de tous leurs crimes qu’ils ont commis depuis 1948 et avant. La décision de Khan est un tournant important, preuve en est l’hystérie des réactions israéliennes et les critiques américaines.

Imed Bahri

L’éditorialiste britannique Gideon Rachman est revenu dans le Financial Times a livré une lecture politique de cette décision. Il a tout d’abord qualifié la décision du procureur de la CPI de demander un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant de «coup dur porté à Israël et de pari colossal pour la Cour», selon le titre de son article dans le Financial Times.

Quatre questions principales

Rachman – éditorialiste en chef des affaires étrangères du Financial Times et lui-même descendant d’une famille juive – a déclaré que les répercussions de cette mesure seront graves notant que quatre questions principales se posent immédiatement:

Premièrement, quel sera l’impact interne en Israël? Deuxièmement, quel impact cette décision aura-t-elle sur la guerre à Gaza et au Moyen-Orient en général? Troisièmement, la CPI est-elle allée trop loin et a-t-elle mis son avenir en jeu? Quatrièmement – et c’est lié à la question précédente – comment les États-Unis réagiront-ils à l’acte d’accusation émis?

L’éditorialiste a souligné que la demande du procureur de la CPI d’émettre des mandats d’arrêt contre les dirigeants du Mouvement de la résistance islamique Hamas ainsi que contre Netanyahu et Gallant n’atténuera pas l’impact de cette gifle reçue par Israël.

Il a expliqué que la décision, rendue lundi 20 mai 2024, intervient à un moment où Netanyahu subit une pression croissante pour qu’il démissionne du gouvernement à moins qu’il ne développe une nouvelle stratégie pour la guerre à Gaza et au-delà.

Benny Gantz, membre du cabinet de guerre -qui n’a pas été concerné par l’acte d’accusation- s’est joint aux voix israéliennes qui se sont rassemblées pour condamner la CPI mais de nombreux Israéliens tremblent à l’idée de devenir un État paria, par conséquent se débarrasser de Netanyahu et installer un nouveau Premier ministre pourrait devenir une option plus attrayante au fil du temps alors qu’Israël cherche à restaurer sa position internationale, selon Rachman.

En outre, Rachman souligne que l’acte d’accusation aura de graves répercussions pratiques sur la capacité de Netanyahu à faire son travail. Les voyages à l’étranger deviendront certainement plus difficiles car il risquera d’être arrêté dans les 124 États membres du Statut de Rome qui a créé la CPI (sans compter les États-Unis, la Russie et la Chine).

Les optimistes eux-mêmes espèrent que la décision de la CPI convaincra –à long terme– Israël que sa stratégie à Gaza «le conduit à s’écraser contre un mur», comme l’a dit Gantz. Cela pourrait convaincre la prochaine équipe de dirigeants israéliens de prendre au sérieux la solution à deux États avec la Palestine. Les Israéliens savent désormais que la voie à suivre pour regagner l’acceptation sur la scène internationale doit passer par un nouveau processus de paix et par la marginalisation de Netanyahu, selon l’éditorialiste du Financial Times.

L’avenir de la CPI en jeu

Quant à la question de la réponse américaine, elle constitue désormais une question cruciale, selon l’analyse de Rachman. La Maison Blanche a annoncé qu’elle ne soutenait aucune inculpation d’Israël par la CPI sous prétexte qu’elle n’a pas compétence dans cette affaire. Cependant, l’éditorialiste souligne que cette objection américaine est relativement discrète et limitée par rapport à ce que pourrait faire Donald Trump – l’ancien président et candidat à l’élection présidentielle de 2024 –, ainsi que les voix de la droite américaine qui appelaient à l’imposition de sanctions américaines à la CPI et ses juges.

Rachman estime que la possibilité d’imposer des sanctions américaines à la CPI met en lumière l’ampleur de la mesure prise par la juridiction internationale avec cet acte d’accusation contre Netanyahu et Gallant, qui pourrait mettre en jeu son avenir même. 

Peut-être que le procureur de la CPI Karim Khan a-t-il estimé qu’il n’avait d’autre choix. Si la Cour veut maintenir sa légitimité internationale, elle doit faire quelque chose contre les crimes de guerre quels que soient ceux et où qu’ils soient commis. Cependant, la Cour opère dans un contexte politique. Il a émis un acte d’accusation contre le président russe Vladimir Poutine avec peu de chances de le traduire en justice. Si Netanyahu parvient également à faire face l’acte d’accusation, le tribunal se placera alors dans une position impuissante et inutile, estime Rachman.

La décision de Khan est une gifle portée à Israël qui marque le début de la fin de son impunité insupportable qui dure depuis très longtemps et qui a constitué un permis à tuer et de commettre tous les crimes à l’endroit des populations civiles palestiniennes. Et l’ampleur des réactions israéliennes marquées par l’hystérie montre que c’est tout sauf une banale décision que les menaces du puissant lobby israélien au sein du Congrès américain n’ont pas pu empêcher.

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