Lors de leur audience, mercredi 22 mai 2024, le commentateur politique Mourad Zeghidi et l’animateur radio et télévision Borhen Bsaies ont dû rappeler les ABC de leur métier de journalistes, mais leurs propos ne semblent pas avoir convaincu les juges qui les ont condamnés à un an de prison ferme.
«Mon travail d’analyste politique m’oblige à parler de questions d’intérêt public. Je ne suis ni un opposant ni un partisan du président», a déclaré Zeghidi lors de l’audience. «Je voudrais savoir quelle est la phrase ou le mot qui a été jugé contraire au code pénal», a-t-il ajouté.
«Je suis un hôte, donc je dois présenter toutes les opinions quelle que soit leur orientation», a déclaré, de son côté, lors de la même audience, Borhen Bsaies, ajoutant avoir été arrêté comme s’il était un «dangereux criminel».
Les deux journalistes ont été arrêtés au début du mois en vertu du décret-loi 54 relatif à la lutte contre les infractions liées aux systèmes d’information et de communication, une loi de 2022 qui est utilisée pour étouffer la dissidence politique, estiment les journalistes et les activistes de la société civile.
Les deux hommes ont été condamnés à «six mois de prison pour le délit d’utilisation des réseaux de communication pour produire et diffuser de fausses nouvelles et rumeurs dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui et à la sécurité publique», a déclaré le porte-parole du du Tribunal de première instance de Tunis, Mohamed Zitouna, cité par l’AFP.
Une peine supplémentaire de six mois a été ajoutée pour «avoir utilisé les réseaux de communication pour diffuser des informations, notamment de fausses informations, dans le but de diffamer autrui, de ternir sa réputation et de lui causer un préjudice matériel et moral», a ajouté Zitouna.
Le décret 54 prévoit jusqu’à cinq ans de prison pour l’utilisation des réseaux de communication pour «produire, diffuser (ou) diffuser… de fausses nouvelles» dans le but de «nuire» et de «diffamer» autrui.
«Quand la politique entre dans la salle d’audience, la justice s’en va», a déclaré l’avocat de Zeghidi, Kamel Ben Messaoud, également cité par l’AFP, qualifiant le décret 54 d’«inconstitutionnel».
L’avocat de Bsaies, Khaled Krichi, a déclaré qu’il existait d’autres moyens de répondre aux critiques. «Un peuple tout entier est poursuivi en vertu du décret 54», a-t-il déclaré.
Plus de 60 journalistes, avocats et personnalités de l’opposition ont été poursuivis en vertu de ce décret, a indiqué le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), dont le président Zied Dabbar a qualifié ce texte de loi de «hautement liberticide et va contre les principes de la Constitution tunisienne».
I. B.