Un taux de migration alarmant parmi les ingénieurs tunisiens a de graves conséquences sur le développement économique et social ainsi que sur la capacité du pays à gérer ses transitions énergétiques, numériques et écologiques, à assurer la durabilité du modèle économique et à améliorer sa compétitivité internationale.
Telles sont les principales conclusions d’une étude intitulée «Fuite des cerveaux des ingénieurs en Tunisie : causes, conséquences et propositions de politique économique» publiée début juillet par l’Institut tunisien d’études stratégiques (Ites).
La migration des ingénieurs tunisiens constitue une menace considérable pour la croissance, avec près de 3 000 personnes qui quittent le pays chaque année. Ce nombre a culminé en 2022, atteignant 6 500, selon les statistiques fournies par l’Ordre des ingénieurs tunisien (OIT).
«L’impact de la migration va au-delà de la génération actuelle, compromettant les opportunités futures (transmission intergénérationnelle des effets)», a déclaré l’Ites.
La diminution de l’expertise et de l’innovation en Tunisie en est la principale conséquence, estime l’Institut, qui ajoute que l’exode massif d’ingénieurs mine l’expertise et l’innovation dans le pays, ce qui a des conséquences néfastes sur la productivité industrielle, la compétitivité sur les marchés internationaux et les investissements dans la recherche et le développement. «Il en résulte un cercle vicieux dans lequel le manque d’innovation décourage les investissements dans le capital humain et la technologie», souligne-t-il.
Des divisions plus marquées entre pays industrialisés et pays en développement seront signalées à mesure que la fuite du capital humain érode la base d’expertise pour l’enseignement et la recherche locaux, entravant les initiatives de recherche et de développement et limitant la capacité du pays à répondre aux défis locaux spécifiques.
Les risques de dépendance technologique pour la Tunisie ne peuvent être exclus, car la fuite des ingénieurs met en péril la capacité du pays à développer ses propres solutions pour répondre aux besoins énergétiques, environnementaux et industriels.
L’attractivité de la Tunisie pour les investissements directs étrangers s’en trouverait également affectée, ce qui dissuaderait les investisseurs potentiels et réduirait les financements destinés à la recherche et au développement, ce qui s’accumule dans un cercle vicieux de sous-investissement.
«Le manque d’expertise en ingénierie entrave le développement économique dans des secteurs cruciaux, tels que l’énergie, l’environnement et les industries manufacturières», peut-on lire dans l’étude. Cela entraîne une dépendance technologique et limite la capacité de la Tunisie à innover, freinant ainsi la compétitivité et la diversification économique.
L’étude identifie les actions prioritaires pour la rétention des ingénieurs et la prévention de la fuite des cerveaux. Cela comprend l’optimisation des conditions de travail, l’amélioration de l’avancement professionnel, l’adaptation du système éducatif aux exigences du marché du travail, le renforcement de la stabilité politique et économique, la modernisation des infrastructures et la stimulation de l’écosystème entrepreneurial.
Des subventions plus élevées à la recherche et au développement, des investissements privés accrus, des régimes fiscaux préférentiels pour les ingénieurs, des incitations fiscales pour les entreprises technologiques et des pratiques de gestion améliorées sont les principales recommandations de l’étude. Ceci en plus de renforcer les partenariats avec des entreprises mondiales et de promouvoir l’intégration des ingénieurs tunisiens expatriés dans les projets locaux.
D’après Tap.