La Tunisie face au spectre du crash immobilier

Le secteur de la promotion immobilière en Tunisie est en pleine crise et souffre notamment de la forte baisse des ventes. Le nombre d’achats d’habitats reste minime face à une offre qui demeure en totale inadéquation avec le pouvoir d’achat des Tunisiens. Des solutions urgentes sont attendues de l’Etat pour relancer un secteur moribond.

Atef Hannachi *

Le logement occupe une place importante dans les dépenses des ménages. Selon les dernières statistiques de l’INS de 2023, il représente 30% du budget des familles.

Selon les statistiques de 2014 du ministère de l’Habitat, 17,7% des habitations sont vides soit 582 000 unités. Ce taux élevé s’est aggravé au cours des dernières années marquées par la crise.

Pour ne rien arranger, le volume des transactions immobilières a connu une forte contraction au cours des premiers mois de 2024. Les transactions relatives aux terrains ont chuté de 13,6% et aux villas de 6,9%, et les ventes d’appartements ont diminué de 23,3% par rapport au dernier trimestre de 2023.

Il est à signaler aussi que la demande d’acquisition de logements sociaux dépasse de très loin l’offre, avec quelque 230 000 demandes pour seulement 2 000 logements disponibles.

Le Foprolos ne suffit plus

Face à cette situation, l’Etat intervient à travers le programme Foprolos des logements sociaux. Le ministre de l’Equipement et de l’Habitat a fait part de sa volonté de réexaminer le financement des logements, et ce réexamen qui se fera en concertation avec le Foprolos. L’idée est d’élever à 70 ans l’âge maximal pour l’obtention d’un crédit, de prolonger l’échéance de paiement de ce type de crédit à 30 ans et de baisser le taux d’autofinancement, eu égard la situation financière difficile des citoyens. Serait-ce suffisant pour relancer une machine presque totalement grippée? Qu’on nous permette d’en douter, et pour cause…

Les promoteurs immobiliers passent eux aussi par une situation financière difficile. Ils financent leurs projets par des crédits bancaires et répercutent les intérêts bancaires sur les prix des logements. D’où donc la hausse des prix des logements neufs, dont les coûts sont aggravés par la hausse des prix des matériaux de construction.  

Une crise structurelle

Face à la diminution des ventes, les promoteurs se trouvent dans l’incapacité de payer les banques et leurs dettes sont classées comme impayées au niveau de la banque centrale, alors que les banques continuent de facturer les intérêts et pénalités de retard, aggravés par l’augmentation des taux d’intérêt.

Cette situation a affaibli le pouvoir d’achat des ménages diminuant ainsi l’épargne et les profits des banques qui se trouvent piégées par le déséquilibre du marché de l’habitat.

Aussi est-il recommandé à l’Etat d’intervenir pour tenter de remédier à cette crise structurelle car le programme Foprolos ne peut plus, à lui seul, résoudre le problème de l’habitat en Tunisie, alors que le spectre d’un crash immobilier se profile à l’horizon. Par exemple, une amnistie immobilière des pénalités de retard aiderait à diminuer les prix de vente des logements, à relancer les achats et à faire redémarrer la chaine économique. D’autres pistes doivent être explorées, car la situation risque de dégénérer davantage pour devenir incurable.

* Expert comptable.

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