Statut de la Banque centrale de Tunisie : un projet d’amendement qui pose problème

Le projet de loi amendant la Loi n° 2016-35 du 25 avril 2016, portant fixation statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT), présenté par un groupe de députés, vendredi 18 octobre 2024, commence à susciter des inquiétudes dans les rangs des économistes et des experts financiers.

Ce projet d’amendement concerne 11 articles (7, 9, 10, 18, 23, 25, 31, 32, 33, 43 et 46) et l’ajout de 3 autres (100, 101, 103), une véritable «boulimie» législative dont on craint qu’elle sera inutile voire très préjudiciable pour le système financier national, et même pour l’économie dans son ensemble.

Stipuler que les décisions relatives à la politique monétaire ne sont pas de l’unique ressort de la BCT et qu’elles doivent être prises «avec l’accord avec le gouvernement» ou bien «en accord avec la politique de l’Etat», ou qu’elles «doivent tenir compte de l’avis de la commission en charge des questions financières à l’Assemblée des représentants du peuple, puis avoir l’accord du président de la république» ne poserait pas de problème de principe, même si on peut craindre des complications bureaucratiques qui alourdiraient inutilement le processus de prise de décision.

Dans un poste Facebook publié aujourd’hui où il commente ce projet de loi, l’économiste Ridha Chkoundali estime que l’amendement proposé de l’article 25 pourrait poser problème car il risque d’affecter sérieusement l’indépendance de la BCT. Dans son 4e alinéa, ce texte stipule ceci : «Le paiement du service de la dette (principal et intérêts) en ce qui concerne les prêts en devises étrangères s’effectue automatiquement en puisant dans les réserves en devises étrangères de la Banque centrale sans recourir à de nouvelles dettes, à condition que ces réserves soient supérieures à l’équivalent de 90 jours d’importation le jour de l’opération».      

Chkoudali pense que cet article «pourrait avoir de graves conséquences lorsque l’Etat préfère rembourser ses dettes aux dépens des besoins de l’économie (alimentation, médicaments, matières premières et produits semi-manufacturés nécessaires à la production industrielle).»  «Et c’est ce qui s’est passé concrètement en 2023 et qui a donné lieu à une croissance économique estimée à 0,4 et 0,6% au début de cette année. Il faut donc faire attention, car cet article affecte l’indépendance de la Banque centrale et incite l’Etat à étendre ses dépenses de consommation, ce qui serait préjudiciable pour l’économie», avertit l’économiste.

I. B.

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