Pas de paix au Proche-Orient sans Etat palestinien

Il n’y aura jamais de paix au Proche-Orient sans la création d’un État palestinien conformément aux résolutions onusiennes et au droit international. On ne règle pas le conflit israélo-palestinien en inoculant aux Gazaouis le virus létal du nettoyage ethnique.

Salem Ben Ammar *

Gaza ne fait pas partie du plan du partage de 1947, on ne la débarrasse pas de sa population historique d’un claquement de doigts, sous prétexte de lui offrir une vie meilleure après en avoir massacré plus de 5%, l’avoir détruite à plus de 90%, sans compter la mise hors service de 156 000 infrastructures dont la majorité de ses hôpitaux.

Gaza c’est Guernica et Sabra et Chatila à la puissance 100. Le territoire palestinien est entièrement réduit en cendres, une tombe à ciel ouvert et des milliers de corps ensevelis sous les décombres, devenue l’enfer sur terre pour ses habitants en proie à 100 000 bombardements depuis le 8 octobre 2023.

De forts relents racistes et suprémacistes

Le nouveau locataire de la Maison Blanche, le Messie des Evangélistes messianiques, soucieux du «bien-être» des Gazaouis projette de nettoyer Gaza. Autrement dit de transférer et de déporter de force sa population sans espoir de retour et sans que cela ne fasse pousser le cri d’orfraie des pays dits arabes aux abonnés absents depuis 15 mois et ne suscite l’indignation des Nations-Unies. Un projet scélérat et une violation flagrante du droit international, assimilable à un crime contre l’humanité ou crime de génocide, selon l’article 7 du Statut de Rome, l’acte fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), signé par Bill Clinton en décembre 2000 juste avant la fin de son mandat mais jamais ratifié par le Sénat américain.

Ce projet porte en lui tous les germes du Grand Israël, empreint de forts relents racistes et suprémacistes, la marque de fabrique de l’extrême droite israélienne messianique qui a déjà dans ses cartons une Gaza israélienne depuis des années, un projet intitulé Gaza 2035. Une extrême droite qui déshumanise les Palestiniens et légitime leur extermination et qui se sent pousser des ailes avec le retour de Trump aux affaires.

L’idée de faire de Gaza une nouvelle Riviera du Proche-Orient n’est pas sortie de la manche de Trump. Elle lui a été soumise par son gendre, Jared Kushner, sioniste notoire, qui l’a reprise à son compte en 2024. Il s’agit de faire de Gaza une zone de villégiature pour des personnes fortunées et par la même occasion offrir à Israël une sécurité et une manne financière et lui permettre de mettre la main sur les gisements pétroliers et gaziers au large des côtes.

Droit dans ses bottes, Trump est convaincu que l’Égypte et la Jordanie devraient être des nouveaux foyers d’accueil des 2,4 millions Gazaouis, comme si ces deux pays étaient des vassaux américano-israéliens. 

Quant à la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie Saoudite, devant être actée par les Accords d’Abraham, il faut espérer que les Saoudiens maintiennent leurs positions qui paraissent rédhibitoires pour l’Etat hébreu : un État palestinien ayant pour capitale Jérusalem-Est.

Nous sommes à un tournant historique dans ce conflit de larmes et de sang pour les Palestiniens, qui vivent aujourd’hui sous la menace d’une nouvelle Nakba, dont l’issue dépend en grande partie de l’Arabie Saoudite et des pays arabes. Vont-ils enfin sortir de leur torpeur et aider les Palestiniens à se doter d’un Etat viable et pérenne ? Il est permis d’en douter.

La paix ne sera pas écrite par le sang des Palestiniens

Il ne peut y avoir d’Accords d’Abraham écrits avec le sang des Palestiniens, leur déplacement forcé de leurs territoires et la violation du droit international. L’expansionnisme d’Israël et son accaparement des terres palestiniennes, un jour ou l’autre reviendra comme un boomerang sur son visage. On n’étouffe pas les aspirations des peuples à leur dignité,  leur souveraineté et leur droit à disposer de leur destin humain et politique en les expulsant de chez eux.

Les Juifs eux-mêmes, qui ont connu des épisodes tragiques dans leur histoire, auraient été chassés de cette terre selon leur histoire fabulée et qui rêvaient de retrouver Sion, seraient mieux à même de comprendre que les Palestiniens rêvent aussi de retrouver un jour ou l’autre cette terre qui est la leur.

Israël ne peut pas prétendre historiquement que cette terre de Canaan est la sienne. Dieu n’a pas vocation à promettre et octroyer des territoires à ses créatures; et la Bible, qui  est un narratif légendaire, n’est pas un cadastre.

* Chercheur en sciences politiques et anthropologie sociale.

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