‘‘Promis le ciel’’ d’Erige Séhiri ou la chasse des démons

‘‘Promis le ciel’’, le dernier film de la réalisatrice franco-tunisienne Erige Sehiri, présenté à la 7e édition du Festival de Cannes (13-24 mai 2025), dans la section Un Certain Regard, offre un portrait puissant et rare de trois migrantes qui peinent à joindre les deux bouts en Tunisie.

Latif Belhedi

Sehiri, ancienne journaliste d’investigation, affirme qu’il était important de porter à l’écran des histoires de femmes. «On entend souvent des histoires de migration à travers le regard des hommes, et non celui des femmes», a-t-elle déclaré à Sophie Torlotin de RFI après la projection en avant-première à Cannes.

«On parle aussi beaucoup de la migration de l’Afrique vers l’Europe. Mais (…) 80 % de cette migration reste en Afrique. J’ai trouvé que cela offrait un contexte très puissant pour renverser un peu le récit», a-t-elle ajouté.

Il est intéressant de noter que la cinéaste a observé que les Tunisiens appellent les migrants d’Afrique subsaharienne «Africains», ce qui dénote une séparation entre l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud du Sahara «comme s’ils ne faisaient pas partie du même continent», dit-elle en riant.

Mêlant style documentaire et fiction, Sehiri tisse avec soin une image de la société tunisienne moderne loin des images habituellement véhiculées par la presse.

Erige Sehiri. Ph. Maya Zardi..

Le scénario : Marie est une Ivoirienne de 40 ans installée en Tunisie depuis une dizaine d’années. Elle partage sa vie entre son métier de journaliste et sa vocation de pasteur évangéliste. Moderne et engagée, elle accueille chez elle des femmes dont la situation est fragile. Comme Nané, une jeune maman dont le passeport a été confisqué par son employeuse, et Jolie, une artiste prometteuse en situation précaire, dont le père ordonne le retour en Côte d’Ivoire.

Quand les trois femmes recueillent Kenza, 4 ans, rescapée d’un naufrage, leur refuge se transforme en famille recomposée tendre mais intranquille dans un climat social de plus en plus préoccupant.

Le film raconte les aventures de ce trio détonnant riche de roublardise, inventivité et humour. Mais les récentes tensions entre les Subsahariens, les Tunisiens et la police vont venir bouleverser cet équilibre précaire. Elles vont devoir faire des choix.

La distribution : Aïssa Maïga, Debora Lobe Naney, Laetitia Ky, Estelle Kenza Dobgo et Mohamed Grayaâ.

La critique : «Après ‘‘Sous les figuiers’’, son long métrage précédent dans lequel elle proposait une peinture pleine de finesse et de poésie de la société tunisienne, Erige Sehiri revient à la charge. Elle se positionne dans les sphères les plus élevées du cinéma mondial, avec un film qui jette un autre regard sur cette société en impasse», note le critique Hassouna Mansouri dans Africiné. Il ajoute : «Comme entrée en matière, cette fois-ci, elle a choisi l’angle de la migration, une question qui tourmente son pays d’origine, mais aussi l’actualité mondiale. Dans ce nouveau film, Erige Sehiri part à la chasse des démons qui se réveillent dans une réalité où la vie a des allures de cauchemar.»

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