Cinq livres des éditions Casbah, cinq chemins d’Algérie

Du désert soufi aux marges de Paris, de la mémoire coloniale aux plaines oubliées de l’Antiquité, en passant par l’héritage combatif des femmes algériennes, cinq livres récents des éditions Casbah dessinent les contours d’une Algérie plurielle, blessée mais debout. Cinq coups de cœur pour dire autrement l’histoire, l’exil, la foi, la transmission.

Djamal Guettala

‘‘Atlas des qoubbas des maîtres du sens du sud algérien’’, de Malek Kerdel :

Un ouvrage monumental. Plus de 400 pages consacrées aux qoubbas du sud algérien, ces mausolées de saints soufis qui irriguent l’imaginaire populaire depuis des siècles.

Malek Kerdel ne livre pas un simple inventaire : il fait revivre les maîtres du silence, raconte leurs parcours, leurs vertus, les lieux qui les abritent et les croyances qu’ils ont nourries.

À travers ce travail, c’est un pan essentiel du patrimoine immatériel algérien qui se déploie avec ferveur. Un livre rare, salué en préface par l’anthropologue Ouiza Galleze, experte du PCI à l’Unesco.

‘‘Paris, l’autre désert’’ de Mokeddem :

Un bossu, un chien qui se prend pour Victor Hugo, et une ville : Paris, devenue désert pour ceux qui n’y ont pas de place.

Dans ce roman bref et percutant, Mokeddem donne la parole aux invisibles. Avec humour noir et tendresse, il raconte l’errance d’un scénariste algérien marginalisé, qui s’invente une relation poétique et absurde avec un chien bavard.

Entre fable cruelle et chronique sociale, c’est une réflexion bouleversante sur l’exil, la solitude et la dignité des vaincus.

‘‘Algériennes. De mère en fille’’ de Hind Soyer :

À travers la lignée des El-Hassani, Hind Soyer retrace une histoire de femmes debout, résistantes, libres, du vieux quartier d’Alger jusqu’à sa propre fille, Aurore.

Ce récit vibrant mêle mémoire familiale et figures historiques — Zohra Drif, Djamila Bouhired — pour redonner corps à l’héroïsme quotidien des Algériennes.

Sans emphase ni artifice, ce livre dit la filiation, la douleur et la fierté. Il rappelle que certaines luttes se transmettent comme le sang : avec la même force, la même dignité.

‘‘La revanche du dernier des indigènes’’ de Lachemi Siagh :

Touggourt, années 1960. L’indépendance arrive, mais la mémoire de l’indigénat est encore brûlante.

Lachemi Siagh revient sur son enfance au cœur du Sahara, témoin des bouleversements économiques, sociaux et politiques liés à la découverte du pétrole et à la fin de la colonisation. Il mêle récit de vie et réflexion historique, avec le souci de transmettre une expérience à ceux qui n’ont pas vécu cette période. Une écriture sincère, sans rancœur, mais avec exigence. Pour que justice se dise, enfin.

‘‘Robba, la Berbère donatiste’’ de Driss Reffas :

C’est un nom oublié, un destin effacé des manuels: Robba, chrétienne berbère et martyre donatiste, assassinée en 434 pour avoir défié Rome.

Driss Reffas, historien de terrain, redonne vie à cette figure dissidente de l’Algérie antique. À travers elle, il exhume une mémoire religieuse effervescente, bien antérieure à l’islam, et rappelle que la terre algérienne fut aussi celle de résistances spirituelles farouches.

Un récit éclairant, ancré dans un passé encore vivant dans les noms de lieux, les pierres et les récits oubliés.

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Cinq livres, cinq intensités. À lire comme on traverse un pays : à la fois blessé et vivant, éparpillé et entier.

Les éditions Casbah, par cette sélection, poursuivent leur œuvre essentielle : faire surgir des voix qui racontent l’Algérie autrement.

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