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Bloc-notes: La loi sur les violences aux femmes est une reculade

La loi sur les violences aux femmes est plutôt une reculade en forme d’avancée. Elle est même rétrograde au sens astronomique, ce qui ne bouge pas tout en donnant l’illusion du mouvement.

Par Farhat Othman *

On continue en Tunisie à cultiver les faux-fuyants et les apparences trompeuses. Ainsi en va-t-il des droits de la femme, emblème actuellement vérolé de la modernité tunisienne et qu’il urge de rénover. Témoin en est cette loi votée à la va-vite, devant être promulguée pour coïncider avec la fête nationale de la femme, le 13 août. Or, elle est imparfaite et ne satisfait que les dogmatiques, sacrifiant l’essentiel à l’accessoire au nom de prétextes mensongers : conservatisme social et principe de réalité.

Au nom de la femme tunisienne, ce qu’elle mérite d’avancées sérieuses, voici pourquoi j’ai appelé le président de la république à surseoir à la promulgation de la loi et la renvoyer au parlement pour y être améliorée ainsi que le lui permet la constitution et qu’il ne pense, hélas, toujours pas faire. Déjà, moyennant une simple modification sur sa formulation actuelle, la loi aurait pu devenir un texte fondateur initiant dans le pays la révolution mentale nécessaire qui y tarde encore.

L’accessoire au lieu de l’essentiel

En l’état, la loi sacrifie l’essentiel à ce qui est certes important en soi, mais ne demeurant pas moins accessoire. Il en va ainsi du viol juridique de l’article 227 bis du code pénal bien marginal dans la société et dont l’occurrence est favorisée par la misère sexuelle de la jeunesse du pays sans nul droit en la matière.

Pourtant, les médias officiels, publics comme privés, refusant leur antenne à un discours autre que celui imposé par l’omerta officielle, font défiler d’anciennes égéries des droits féministes vanter une loi quasiment réduite à tel accessoire. Pourquoi ne pas demander son avis à la juriste Sana Ben Achour qui avait proposé, en 2014, un projet plus ambitieux et complet, ne cédant en rien sur l’essentiel ?

Avec cette loi, on n’a fait que s’aplatir devant les exigences occidentales qui se soucient moins de nos réalités que de valider leurs critères désincarnés, sans relation aucune avec ce qui est nécessaire en Tunisie et ce qui est superflu, l’essentiel et l’accessoire. D’où l’intérêt quasi exclusif pour la question ci-dessus évoquée, ou celle du harcèlement sexuel qui, en une Tunisie au peuple convivial mais sans droits, n’a pas forcément les mêmes sens et implications qu’en Europe.

Ce qui est nécessaire et essentiel chez nous, c’est d’agir sur le mental et l’inconscient en se souciant de ce qui y bloque la moindre avancée. Aussi, ce n’est pas avec le viol légal de la mineure qu’on réussira à faire bouger les choses en matière du statut d’inégalité de la femme avec sa fausse assise religieuse.

De plus, comment se fait-il qu’on se soucie des cas limités du viol (juridique) de mineures quand on ignore les cas bien plus nombreux d’inégalité successorale, violence absolue marquant l’inégalité de la femme dans le marbre de l’inconscient? Ou encore de l’impossibilité du mariage avec un non-musulman ou du test de virginité? On le voit, cette loi est plutôt une reculade en forme d’avancée. Elle est même rétrograde au sens astronomique, ce qui ne bouge tout en donnant l’illusion du mouvement.

Par ailleurs, à défaut d’en finir de suite avec l’inégalité successorale qu’on croit inattaquable bien à tort, on pourrait parfaitement y préparer le terrain en osant remettre en cause les tabous sur les sujets aussi sensibles indiqués ci-dessus: droits au mariage avec le non-musulman, au sexe hors mariage et abolition de l’homophobie. Sur cette dernière cause, l’évolution est même parfaitement possible aujourd’hui puisque le parti islamiste s’y dit prêt. Partant, s’il y a blocage, il ne viendrait pas des religieux, mais des homophobes laïcistes et même de l’Occident qui jouerait double-jeu, faisant du business de la lutte anti-homophobie aux dépens de l’islam vu en religion homophobe, ce qu’il n’est pas.

En Tunisie, la société est prête à tous les véritables acquis de la modernité, le mental social y étant prêt depuis la révolution; faut-il qu’il soit conforté par des lois. Car le progrès doit être initié par le législateur pour que les choses bougent, exactement comme l’a fait Bourguiba.

Faux principe de réalité

L’inégalité successorale est assurément le défaut majeur de cette loi imparfaite; c’est bien un gros caillou dans le soulier de tous ceux qui s’en satisfont, soutenant‬ qu’elle constitue un progrès qui se doit d’être poursuivi.‬

Leur tort est de partir d’un constat faux et de l’asseoir sur ce principe trompeur de réalité qui ne tient pas assez compte du réel.

Déjà, ils croient peu dans l’effet de la loi, estimant qu’il y a de fortes chances qu’elle reste lettre morte dans le quotidien et que cela vaut mieux que rien. C’est la vision occidentale qui, forte de sa propre expérience et ses réalités différentes, soutient qu’il n’appartient pas au législateur, mais à la société tunisienne, de faire évoluer les choses. Et d’assurer, péremptoirement, que la lutte pour les droits passe d’abord et surtout par une révolution des esprits.‬ Ce sont des lois courageuses qui le feront. ‬‬

Rappelons encore l’exemple de Bourguiba ! Imaginons qu’il n’ait pas agi comme il l’a fait; où serions-nous ? Son oeuvre est toutefois restée inachevée et est même en train de se retourner contre lui. En effet ce sont les intégristes qui empêchent de toucher au Code du statut personnel (CSP) pourtant obsolète.‬‬

Or, en Tunisie actuellement, tout est possible, le meilleur comme le pire. Pour avancer sur le plan des valeurs universelles, il suffit d’oser, ce qu’on ne fait pas au nom d’un dogmatisme dépassé n’ayant aucun rapport avec le réel populaire. Ce réel admet toutes les avancées. Il faut bien le rappeler : s’il y a conservatisme, il est plutôt le fait des élites et non du peuple qui ne donne que l’illusion d’être conservateur, étant contraint à l’hypocrisie pour survivre avec les lois scélérates.

Nos élites tiennent à contrôler la société qui leur échappe pas ces lois qui obligent les masses à jouer au jeu malsain que je nomme «jeu du je», la société y étant obligée pour ne pas encourir les foudres de la législation injuste. C’est le cas notamment de l’homophobie, notre société paraissant homophobe alors qu’elle ne l’est point loin des regards et des rigueurs de la loi datant de la colonisation.

Comment alors se suffire du harcèlement dans la loi en un pays où les lois sont injustes, où les jeunes sont privés du droit au sexe, mêmes majeurs? Surtout que le Tunisien a des moeurs conviviales, que ses gestes et paroles, en apparence relevant du harcèlement, peuvent ne relever que de la convivialité. La loi n’ajoute-t-elle pas ainsi des motifs injustifiés de répression, renforçant le pouvoir exorbitant des forces de l’ordre et des milices des bonnes moeurs?

Révolutionner les mentalités

En l’état, la loi est une reculade par rapport aux attentes des femmes et du pays. Les vrais militants sont bien en droit de demander au président de la république de ne pas la promulguer, la renvoyant au parlement s’y parfaire. Pour le moins, on pourrait y rajouter l’article 230 du code pénal à la liste prévue dans l’article 15 qui s’arrête à l’abrogation du 229 de ce code. La loi ne devinerait-elle pas de la sorte révolutionnaire avec une telle simple modification d’ajout d’article qui pèserait sur les mentalités, faisant de la Tunisie le premier État musulman légalisant l’homosexualité selon l’esprit de l’islam?

Le président de la république a tout intérêt à faire un tel geste salutaire de renvoi de la loi afin de s’attaquer enfin à l’essentiel et finir par marquer l’histoire de la Tunisie et de l’islam. D’autant plus que les islamistes, qu’on charge généralement de tous les maux, se disent prêts au fatal progrès en matière d’homophobie ! Et les homophobes sont loin d’être uniquement islamistes!

Au vrai, cette loi ne satisfait que les intégristes, aussi bien religieux que profanes. Il importe de la rendre utile en osant en faire une révolution par au moins un simple ajout d’article abolissant la base légale des tests honteux de virginité et anaux comme déjà indiqué dans un précédent article. En s’attaquant à ce tabou de l’abolition de l’homophobie, on ne fera qu’amorcer la pompe de la nécessaire égalité successorale, démystifiant ses fausses raisons religieuses sur ce tabou à l’assise religieuse quasi similaire. Une occasion à ne pas rater !

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