Le BJP, parti du Premier ministre indien islamophobe Narendra Modi, a remporté 240 sièges au Parlement, à 32 sièges de la majorité absolue et nettement en-deçà des 303 sièges gagnés en 2019. Il sera obligé de former une coalition et n’’aura plus les mains libres pour s’adonner à ses politiques fanatiques et dangereuses à l’endroit des 200 millions de musulmans. Une lueur d’espoir pour ces derniers qui sont tant persécutés en Inde.
Imed Bahri
«Un jour avant l’annonce des résultats des élections, la plupart des musulmans se sont couchés inquiets pour leur avenir car ils n’avaient jamais vu une telle campagne électorale auparavant», a commenté Rana Ayuub dans son article du Washington Post sur les résultats des élections indiennes qui se sont apparentées à un revers électoral pour Modi et sa formation politique nationaliste hindoue.
Elle a rappelé ce qui s’est passé en avril dernier après que l’Inde ait achevé la première phase du vote, lorsque le Premier ministre Narendra Modi a prononcé au Rajasthan un discours qui a choqué même certains de ses partisans dans lequel il a qualifié les musulmans d’infiltrés faisant beaucoup d’enfants et qui spolieraient les ressources à la population hindoue.
Des persécutés présentés comme des persécuteurs
Ayuub a rappelé également des propos extrémistes similaires prononcés par des ministres du gouvernement Modi et des hauts dirigeants sur le spectre du «jihad de l’amour», c’est-à-dire le mariage des musulmans avec des hindous et du «jihad de la terre», c’est-à-dire la saisie de terres par les musulmans dans les zones sous contrôle hindou dans toute l’Inde. Des propos diffamatoires qui relèvent du délire car inversant les rôles compte du fait que les musulmans sont persécutés et ils sont présentés comme les persécuteurs.
L’analyste souligne que l’atmosphère a changé le matin du 4 juin au fur et à mesure que les résultats des votes commençaient à apparaître car certains militants musulmans des droits de l’homme semblaient se sentir rassurés après avoir consulté le site internet de la Commission électorale pour obtenir les derniers chiffres de l’État de l’Uttar Pradesh (nord-est de l’Inde), bastion du nord comptant 80 des 543 sièges de la Chambre des représentants du Parlement.
À Faizabad qui abrite le nouveau temple controversé de Ram et où les Hindous représentent près de 80% de la population, les électeurs ont choisi un candidat du parti politique socialiste laïc Samajwadi.
Ayuub considère qu’il s’agit là de l’un des plus grands chocs d’une élection nationale globalement surprenante en référence à l’opposition à Modi car «les musulmans en Inde ont largement mis leur poids derrière l’alliance indienne car ils croient que la laïcité du pays finira par l’emporter sur les partis qui travaillent sur les fondements de la religion», lui a dit Javed Muhammad, un militant des droits de l’homme.
Elle a ajouté que la réduction de la majorité de Modi et l’augmentation du nombre des sièges de l’Alliance indienne signifient l’imposition de contrôles plus stricts sur la politique antimusulmane du Premier ministre d’autant plus que les partis d’opposition ont promis de protéger la Constitution indienne.
Les ailes de Modi sont momentanément coupées
Ali Javed, chef d’un petit groupe de réflexion appelé Nous Network, a commenté: «Ces élections pourraient donner à Modi un troisième mandat mais ses ailes ont maintenant été coupées et il est à la merci des partenaires de la coalition», ajoutant que ce résultat donne aux musulmans «un répit».
Ayuub a déclaré que les musulmans ont voté en grand nombre à ces élections pour protéger leurs droits et la Constitution de l’Inde malgré les cas de répression qui ont fait la Une des journaux, les policiers les ont notamment forcés à quitter les bureaux de vote et des vidéos ont montré des électeurs musulmans battus.
Un autre militant a décrit ce qui s’est passé dans la ville de Sambhal dans l’Uttar Pradesh comme une justice quasi-imaginaire où le parti au pouvoir Bharatiya Janata a été battu par 120 000 voix ce qui a permis aux musulmans de se sentir un peu plus à l’aise quant à leur avenir en Inde.
«Ceux qui avaient jusqu’ici peur de s’exprimer, d’unir leurs voix et de lutter pour leurs droits constitutionnels peuvent désormais commencer à le faire», a déclaré un militant.
Ayuub a ajouté que le Cachemire -le seul État à majorité musulmane en Inde- a enregistré les taux de participation électorale les plus élevés au cours des 20 dernières années et c’est ce que les Cachemiriens appellent «un vote pour faire entendre leur voix». Elle a conclu qu’il était peut-être trop tôt pour que les musulmans et les autres minorités en Inde envisagent un avenir radicalement nouveau mais ils savent que leur participation active a fait la différence et que leur désespoir cède désormais la place à un sentiment d’optimisme et d’appartenance.