Les hommes politiques qui exploitent les sentiments de rejet et de division pour accéder au pouvoir et remporter des élections jouent avec le feu. Ils risquent de se brûler les doigts tôt ou tard. Cet avertissement est particulièrement valable en Tunisie, qui se morfond dans la crise depuis des années et où les divisions sont souvent exacerbées par ceux-là mêmes qui sont censés veiller à l’unité de la nation.
Khémaïs Gharbi *
Les commentaires que nous lançons, souvent en toute légèreté ou à la volée, que ce soit sur les réseaux sociaux ou ailleurs, ont un impact considérable sur le tissu social. Lorsque des accusations de racisme ou d’anti-islamisme sont formulées, comme l’a dénoncé Human Rights Watch en décrivant la situation en Grande-Bretagne, il est crucial de comprendre que les mots vont bien au-delà de simples échanges d’opinions. Ils alimentent et exacerbent des tensions existantes et peuvent entraîner des répercussions graves sur la cohésion sociale.
Les violences ciblant les mosquées, les communautés de demandeurs d’asile et d’autres groupes marginalisés ne surgissent pas du néant. Elles sont souvent le résultat d’années de discours haineux et de stigmatisation. Les discours anti-musulmans et anti-immigrés, chargés de généralisations abusives ou d’exagérations délibérées, finissent par créer un climat de méfiance et de haine, se manifestant souvent par des actes de violence.
Gare aux discours qui divisent !
L’histoire nous montre que les conflits les plus dévastateurs trouvent souvent leur origine dans des discours discriminatoires et des divisions cultivées par des individus ou des groupes cherchant à fragiliser la société. La montée de la violence et des tensions sociales s’enracine dans des récits qui dénigrent les autres sur la base de leur religion, de leur ethnie ou de leur origine.
En Tunisie, un pays qui émerge à peine de plus de dix années de graves turbulences, nous devons faire preuve de vigilance et de responsabilité dans nos propos. La critique doit se limiter aux idées et aux opinions, sans se transformer en attaques contre les croyances, les identités ou les appartenances fondamentales des individus.
La stabilité et l’harmonie sociales reposent sur notre capacité à préserver les liens qui nous unissent et à permettre à des personnes de sensibilités politiques diverses de coexister pacifiquement sur un même territoire.
Ainsi, chaque mot compte et chaque discours a le pouvoir de construire ou de semer les graines de la discorde. Soyons conscients des conséquences de nos paroles et veillons à ce qu’elles ne deviennent pas des instruments de division, mais des catalyseurs de compréhension et de respect mutuel.
On n’est pas à l’abri des dérives
Les hommes politiques qui exploitent les sentiments de rejet et de division pour accéder au pouvoir et remporter des élections jouent avec le feu. Ils risquent de se brûler les doigts tôt ou tard. L’exemple le plus frappant reste l’assaut du Capitole aux États-Unis le 6 janvier 2021, déclenché par des contestations des résultats de l’élection présidentielle de 2020. Aucun pays, même les plus protégés, n’est à l’abri de telles dérives. Il est donc crucial que nous soyons responsables de nos mots et attentifs à leur impact, en restant fidèles à notre conscience et à notre responsabilité collective. Et cet avertissement est valable pour la société dans son ensemble, pour les électeurs comme pour les élus, et plus particulièrement en Tunisie, qui se morfond dans la crise et où les divisions sont exacerbées par ceux-là mêmes qui sont censés veiller à l’unité de la nation.
* Ecrivain et traducteur.