En pleine crise économique et alors que l’investissement et la croissance peinent à se relancer, la Tunisie s’apprête à augmenter les impôts sur les entreprises et les salariés à revenus moyens et élevés. Si elles venaient à être prises, ces décisions ne manqueraient pas de susciter le mécontentement de larges pans de la population.
Imed Bahri
La Tunisie, qui a (presque) rompu avec le Fonds monétaire international (FMI), dont elle rejette les «diktats», selon le terme utilisé par le président de la république Kaïs Saïed, va presque doubler sa dette intérieure en 2025, dans un contexte d’incapacité persistante à obtenir un financement extérieur suffisant.
Et c’est dans un contexte de ralentissement économique (la croissance estimée à 0,4% en 2023, ne devrait pas dépasser 1,2 en 2024, selon les dernières estimations de la Banque mondiale) que le projet de loi de finances pour 2025 prévoit le doublement des emprunts intérieurs, tandis que les emprunts extérieurs diminueront de 5,32 milliards de dollars en 2024 à 1,98 milliard de dollars en 2025, étant donné les difficultés qu’éprouve l’Etat tunisien, déjà surendetté, à mobiliser des ressources extérieures.
Prendre aux riches
Dans ce contexte, marqué par une persistance des pénuries de produits de première nécessité tels que le sucre, le café, le riz et le thé, dont l’Etat a dû baisser les volumes d’importation, que le gouvernement entend réduire les impôts des salariés à faible revenu, pour les augmenter progressivement pour ceux dont le salaire mensuel dépasse 30 000 dinars par an.
Les impôts pour ceux dont le revenu annuel est supérieur à 50 000 dinars passeront de 35% à 40% en 2025.
Les entreprises dont le chiffre d’affaires est de 20 millions de dinars ou plus verront les impôts augmenter l’année prochaine de 15% à 25%.
Les impôts sur les banques et les compagnies d’assurance seront portés à 40%, indique le projet de loi, estimant sans doute que le secteur financier est celui qui est le moins affecté par la crise, ce que les professionnels démentent.
Le président Kaïs Saïed critique depuis longtemps les banques privées, affirmant qu’elles réalisent d’énormes profits alors qu’elles devraient essayer d’aider l’économie dans les moments difficiles. C’est ce que beaucoup font d’ailleurs en développant des programmes sociaux spécifiques en faveur des écoles, des hôpitaux et des établissements sportifs et culturels. C’est insuffisant, certes, mais rien ne garantit que les banques et les assurances seront plus généreuses à l’avenir en voyant leurs revenus réduits comme peau de chagrin.
Pauvreté pour tous
Hichem Ajbouni, dirigeant du parti d’opposition Attayar, expert comptable de son état, a déclaré dans un poste Facebook que les changements préconisés semblent basés sur un modèle économique de «partage de la pauvreté» et non de «création de la richesse pour sortir les Tunisiens de la pauvreté ?»
Sur un autre plan, les banques privées sont désormais les principaux prêteurs du gouvernement, dans un contexte d’incapacité du gouvernement à obtenir des prêts extérieurs. Mais les experts locaux ont prévenu que les emprunts locaux risquaient de provoquer une pénurie de liquidités, de priver le secteur privé des financements dont il a besoin pour sortir de la crise et se relancer, et de plonger le secteur bancaire dans une crise.
(avec Reuters)
Donnez votre avis