Le juriste Kaïs Saied, candidat à la présidentielle de 2019, n’a pas l’intention de voter pour lui même… D’ailleurs, il ne donnera sa voix à personne, dit-il. Ce candidat atypique, qui s’oppose à l’égalité dans l’héritage et rejette l’homosexualité, voudrait aussi réformer la constitution.
Par Yüsra Nemlaghi
C’est ce qu’il a déclaré au journal « Acharaâ Al Magharibi », dans une interview parue aujourd’hui, mardi 11 juin 2019, en ajoutant que son épouse ne votera pas non plus pour lui…
Le spécialiste de droit constitutionnel, dont le nom revient régulièrement depuis deux ou trois ans dans les sondages sur les intentions de vote des Tunisiens pour la présidentielle, affirme qu’une fois élu à la présidence de la république, sa femme ne sera pas la première dame, expliquant que «toutes les Tunisiennes sont les premières dames de ce pays». Il a également ajouté qu’il ne vivra pas au Palais de Carthage, et préférera rester chez lui… Il n’a cependant pas précisé s’il va accepter le salaire mensuel de 30.000 dinars ou s’il va se contenter de sa pension d’universitaire. Le populisme a, tout de même, des limites !
Un électron libre qui bouscule la scène politique
Tout en assurant qu’il procédera à des réformes au niveau de la constitution tunisienne, Kaïs Saied, électron libre s’il en est, puisqu’il n’a jamais appartenu à aucun parti, a également indiqué qu’il proposera de remplacer les législatives par des élections locales, qui permettront d’élire des représentants régionaux du peuple dont le nombre sera porté à 265 (contre 217 actuellement).
Sur un autre plan, le juriste dit avoir élaboré un argumentaire scientifique massue permettant de mettre fin à la polémique sur l’égalité dans l’héritage à laquelle il n’a jamais caché son opposition.
Evoquant, d’autre part, les droits des homosexuels, Kais Saied pense que des parties étrangères encouragent l’homosexualité et veulent répandre cette orientation sexuelle en Tunisie (sic!). Pour preuve, dit-il, ces mêmes parties financent la location de maisons pour héberger les homosexuels.
Le constitutionnaliste, qui est déjà en campagne électorale, ne fait pas mystère de ses tendances plutôt conservatrices. Il est, par exemple, favorable à l’application de la peine de mort, suspendue en Tunisie depuis 1994, date de la dernière exécution. Mais il tient à marquer ses distances vis-à-vis parti islamiste Ennahdha, et de tous les autres partis, ajoutant qu’il ne compte pas en créer un lui-même. Il estime que les peuples ont évolué et ne veulent plus faire confiance à des partis mais à des individus patriotes qui transforment le pays, selon ses termes.
Aussi souple qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine
Surnommé «le robot», par allusion à son débit saccadé et son arabe littéraire pompeux et incompréhensible pour beaucoup de ses compatriotes, Kaies Saied est aussi revenu sur sa carrière universitaire,
qui ne fut pas très brillante (on ne lui connaît pas de publications de référence). Cela ne l’empêche pas de vanter ses contributions au développement du droit constitutionnel en Tunisie et même d’accuser des confrères d’avoir volé plusieurs de ses idées.
A 61 ans, cet extraterrestre de la politique, droit dans ses bottes et ne doutant pas de sa bonne étoile, fait bouger les lignes et dérange la nomenklatura en place, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Porté par la vague sondagière, il surfe sur la vague de populisme qui domine le monde aujourd’hui. Et se voit déjà au Palais de Carthage.
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