Le président de la république Kaïs Saïed continue de souffler le chaud et le… chaud. Ses décisions, ses déclarations et ses gestes, dont la portée populiste n’échappent à personne, ne sont toujours pas cohérentes ni lisibles, car l’homme, qui s’est fait élire sans programme et qui, au terme de deux ans et demi de pouvoir, n’en a pas encore, semble moins agir que réagir voire sur-réagir aux critiques de ses adversaires, affichant une hargne et une acrmonie qui cadrent mal avec son statut de chef d’Etat.
Par Elyes Kasri *
Pour le président de la république, c’est la saison des volte-face. Après le changement d’appréciation en quarante huit heures de la constitutionnalité de la dissolution de l’Assemblée des représentants de peuple (ARP), vient l’hommage poussé et que certaines mauvaises langues considèrent surfait au leader Habib Bourguiba, dix huit jours après un passage morne et dans une quasi indifférence du 66e anniversaire de l’indépendance nationale, le 20 mars dernier.
A quand la prochaine volte-face? Espérons que ce ne sera pas une embrassade avec Rached Ghannouchi surtout que beaucoup sont intrigués par l’apparente mansuétude présidentielle à l’égard des tenants de l’islam politique en Tunisie, allant des disciples de l’infâme Youssef Qaradaoui aux organisations sur lesquelles pèsent de lourds soupçons de financement et d’assistance à des organisations terroristes.
Bien que tardif, l’hommage au père de la Tunisie moderne nous laisse quand même espérer des changements pour le mieux. Viendront-ils? Le temps presse…
Un peuple qui n’en peut plus de servir de cobaye
Kaïs Saïed et ses conseillers occultes semblent s’inspirer d’une théorie de la démocratie directe développée entre autres par un certain Jean Laliberté, ressortissant canadien né en 1944, titulaire d’une maîtrise en science politique de l’université Laval, dans son ouvrage intitulé « Réinventer la démocratie : pour une démocratie participative sans partis politiques et sans élections » (septembre 2011, éditions du Septentrion, 218 pages).
Si la consultation nationale électronique (sur les réformes politiques, Ndlr), avec tous ses vices de conception et de procédure ainsi que le désintérêt manifesté à son égard par l’écrasante majorité du peuple tunisien, peut être considérée comme un indicateur du degré de compatibilité de cette théorie, introduite subrepticement par Kaïs Saïed, avec les attentes du peuple tunisien, on peut d’ores et déjà affirmer que si elle devait faire l’objet d’un débat ouvert et franc, cette théorie qui prône la disparition des partis politiques serait rejetée par un peuple qui n’en peut plus de servir de cobaye à une série décidément interminable de rêveurs et d’illuminés plus ou moins bien intentionnés mais tous d’un amateurisme et d’un romantisme affligeants.
Il faut se rendre à l’évidence que la Tunisie a perdu assez de temps et que l’heure est venue pour passer aux choses sérieuses si l’on veut sauver le peuple et l’Etat tunisiens.
Face aux vassaux islamistes de leurs maîtres néo-ottomans
Par ailleurs, et sur le plan extérieur, si Kaïs Saïed veut répondre d’une manière crédible et audible à l’atteinte à la souveraineté de la Tunisie et décourager toute velléité d’escalade interventionniste par le Sultan néo-ottoman, Recep Tayyip Erdogan, il devrait mettre sur la table la procédure de dénonciation de l’accord de libre échange avec la Turquie, signé en 2005 et exploité outrageusement par les vassaux islamistes de leurs maîtres néo-ottomans.
En plus, la légion d’importateurs et de contrebandiers de marchandises turques devra être neutralisée par un contrôle plus strict des importations légales et illégales de Turquie.
Le tourisme vers la Turquie et le commerce de la valise en provenance de ce pays, qui constituent une véritable hémorragie de devises, gagneraient aussi à être considérés comme des instruments de pression, comme l’a fait Poutine à l’époque avec un succès remarquable.
* Diplomate.
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