A l’occasion du 46e anniversaire de sa création, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) s’est déclarée opposée aux «pressions» exercées par le pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, appelant à la mise en place de procédures garantissant l’indépendance «effective» de la justice.
Dans un communiqué publié samedi 6 avril 2023, la LTDH a fermement condamné la «prise pour cible des militants politiques» et l’arrestation de citoyens pour leur activité politique, dénonçant «les abus subis par les détenus» politiques poursuivis en justice pour atteinte à la sûreté de l’Etat.
La Ligue a dit avoir mis en garde, après le 25 juillet 2021, date de la proclamation de l’état d’exception par le président de la république Kaïs Saïed, contre «l’avènement d’un régime autocratique qui va à l’encontre des principes du pouvoir participatif».
Dans ce contexte, la Ligue a dénoncé «la restriction de la liberté d’information et le harcèlement des journalistes», appelant à l’accélération du retrait du décret-loi n° 2022-54 du 13 septembre 2022, relatif à la lutte contre les infractions relatives aux systèmes d’information et de communication.
La lutte contre la criminalité et la corruption ne peut se faire que dans le respect de la loi et des droits des détenus, a-t-elle rappelé, mettant en garde contre «toute instrumentalisation des appareils de l’Etat pour réprimer les opposants politiques et intimider la dissidence».
La LTDH a également réaffirmé son attachement aux acquis de la Révolution de 2011, appelant la société civile à la vigilance et à la conjugaison des efforts pour faire face à toute atteinte aux libertés.
La LTDH est la plus ancienne organisation de défense des droits de l’homme dans le monde arabe. Elle a œuvré, depuis sa création le 7 mai 1977, pour le respect des droits et des libertés et s’est opposée aux dérives autoritaires des régimes successifs, d’Habib Bourguiba à Kaïs Saïed, en passant par celui des islamistes du mouvement Ennahdha ayant gouverné la Tunisie entre 2011 et 2021. Elle a d’ailleurs reçu le Prix Nobel de la Paix en 2015 pour avoir joué un rôle déterminant au sein du Quartet du dialogue national qui a évité à la Tunisie de sombrer dans la guerre civile en 2013.
«Si la LTDH considère que ce qui s’est passé le 25 juillet 2021 aurait pu aider à surmonter l’échec des gouvernements successifs au pouvoir depuis 2011 à réaliser les aspirations des Tunisiens et des Tunisiennes à établir des institutions civiles solides et une alternative économique et sociale, ses valeurs et références différentes la poussent à alerter sur le danger de dérive vers un régime présidentiel autoritaire suite à la publication du décret 117», indique l’organisation dans son communiqué, tout en considérant les résultats de la consultation électronique sur les réformes politique organisée par le président Saïed et la faible participation au référendum sur la constitution proposée par ce dernier, ainsi que les élections qui ont suivi, comme étant «dépourvues des principes de gouvernance partagée.»
Dans ce même contexte, la LTDH condamne «les décrets qui portent atteinte à la liberté d’expression, tels que le décret 54» du 13 septembre 2022, relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication, et exprime «son rejet total de toutes les mesures visant à assujettir le pouvoir judiciaire à l’exécutif».
«La Ligue continue aujourd’hui à suivre avec une grande préoccupation la tendance du système actuel à revenir sur les acquis de la liberté de pensée, d’expression et d’association, les droits des femmes, des migrants et des catégories sociales vulnérables ainsi qu’à adopter un discours diffamatoire envers les opposants et à faire porter une partie de la responsabilité de l’échec à résoudre les difficultés économiques et financières du pays sur une partie des Tunisiens», souligne-t-elle encore dans son communiqué. Tout en notant également «avec une grande consternation les restrictions visant les journalistes, les blogueurs, les syndicalistes et les avocats, en particulier les arrestations de personnalités opposées à la voie du 25 juillet, sous couvert de la loi antiterroriste», par allusion à la quarantaine d’opposants politiques arrêtés depuis le 11 février dernier, incarcérés et poursuivis en justice pour atteinte à la sûreté de l’Etat, sans que des preuves matérielles ne soient communiquées à ce jour à l’opinion publique.
I. B.
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