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Soyons à la hauteur du Nobel de la Paix attribué à la Tunisie !

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Pour une charte éthique des groupes citoyens qui fait face aux vieilles pratiques politiques et à la prédation des institutions officielles en Tunisie.

Par Moncef Bouchrara*

Depuis quelque temps, certaines initiatives citoyennes originales sont l’objet de plagiats systématiques, et non seulement de la part de certains groupes en manque d’inspiration, mais aussi et surtout de la part d’institutions officielles et parfois de certaines branches de l’administration.

C’est le cas, par exemple, de la journée nationale «Je nettoie ma rue et je la maintiens propre» fixée au 25 octobre prochain, date que certaines municipalités, que je ne citerai pas par décence, ont subitement déclarée, elles aussi, comme par hasard, « Journée nationale de nettoyage ».

Ces municipalités n’ont pas hésité, non plus, à carrément s’attribuer, sur leurs pages Facebook, les logos et signaux visuels longuement et soigneusement mis au point par les animateurs de la page « Je nettoie ma rue… ». Certaines de ces municipalités s’étaient même arrangées, lors des précédentes journées du 30 août et du 29 septembre, pour convoquer les journalistes et les caméras et s’attribuer l’exclusivité de cette action citoyenne.

Quand l’administration phagocyte les citoyens

Doit-on voir là une tentative, de la part de ces institutions officielles, de phagocyter et de combattre les nouveaux mouvements citoyens? Que signifie ce genre de pratiques malsaines dans la nouvelle Tunisie? N’avons-nous pas assez de la prédation du pouvoir politique et de sa récupération des initiatives entrepreneuriales citoyennes? Allons-nous revenir aux pratiques tant honnies sous Ben Ali et ses proches? Allons-nous revenir à l’ancienne culture politique du «tahayol» (ruse) et aux pratiques du contrôle pervers de la société civile tunisienne par les institutions officielles? Est-ce là le bon signal que les autorités et l’administration du pays veulent adresser aux citoyens? Serions-nous encore dans le fameux «Business as usual» ou dans la posture du «Il faut que tout bouge pour que rien ne change»? Est-ce le bon signal que les autorités de ce pays veulent adresser au monde entier, alors que la Tunisie vient d’être distinguée à l’échelle de la planète à travers, justement et avant tout, le dynamisme de sa société civile? Jusqu’où devrait aller le silence des initiateurs d’actions citoyennes originales face à ces pratiques de prédation moralement condamnables, alors que les acteurs de la socété cvile ne cherchent pas à avoir le pouvoir ou à perturber le jeu démocratique, bien au contraire? Jusqu’où ces nouveaux citoyens, qui veulent construire un mieux vivre ensemble, vont-ils avoir envie de continuer à se battre contre les inerties et les pesanteurs culturelles et les conduites perverses héritées du passé? Les institutions officielles n’ont elles rien d’autre à faire que phagocyter les actions citoyennes? Mais en quoi donc le succès de l’action «Je nettoie ma rue», par exemple, les dérange-t-elles au point qu’elles veulent la concurrencer ou lui créer des clones inauthentiques? En quoi les actions citoyennes diminueraient-elles l’aura ou la légitimité politique de l’administration tunisienne auprès des citoyens? Celle-ci croit-elle pouvoir tout se permettre? N’a-t-elle pas interêt, au contraire, de montrer un autre visage, celui d’un acteur réactif, qui suit et encourage les nouvelles initiatives citoyennes?

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Responsables mais aussi citoyens

L’administration tunisienne croit-elle encore être capable de changer la mentalité des Tunisiens ? Quelle erreur et quelle myopie face à l’histoire, ce serait là ! N’avons-nous pas assez des partis politiques fantoches, encouragés par le pouvoir en place, et que nous avons déjà vomis par les soulevements populaires ayant amené le nouveau régime? Quel est donc l’enjeu dans cette affaire? Que la Tunisie devienne plus propre aux yeux des Tunisiens comme de ses visiteurs étrangers? Mais pour atteindre ce but, a-t-on vraiment besoin de plagier et de phagocyter les initiatives des groupes citoyens? A-t-on vraiment besoin de choisir, exactement et systématiquement, les mêmes dates que les groupes citoyens choisissent pour leurs actions et se dépensent pour les faire réussir? N’y a-t-il pas d’autres actions à inventer pour contribuer au renforcement, en Tunisie, d’une nouvelle culture citoyenne? Faut-il que l’administration veuille encore faire croire à la population qu’elle est le seul cerveau de l’entreprenariat civil et civique? Les élites politiques et les institutions officielles actuelles ont-elles donc tant peur de l’émancipation des Tunisiens vis-à-vis de l’ancienne culture politique du zéro société et 100% Etat, au point de combattre toute initiative citoyenne qui se met peu-à-peu en place ?

J’ai toujours eu une certaine conception de ce que doit être l’Etat tunisien et j’ai toujours eu une certaine idée de ce que doit être l’éthique du secteur public tunisien, serviteur de la nation. Et ce ne sont pas les pratiques perverses de certains serviteurs de cet Etat et responsables de l’administration qui m’en feront dévier. Et je pense qu’une majorité de citoyens partagent désormais ma conception d’une société qui se prend elle-même en charge à travers des actions citoyennes.

Alors, je m’adresserai à tous les responsables de cette administration tunisienne, à tous les dirigeants politiques tunisiens pour leur dire tout simplement ceci: «Soyez responsables mais aussi citoyens» !

Soyons tous à la hauteur du prix Nobel de la Paix qui vient de distinguer la sagesse de tous les Tunisiens. «Ahd etbaznit wa ettahayol oufaa» (L’ère de la tromperie et de la ruse est révolue). «Rana dkhelna fi ahd ennadhafa, ennazaha, wal istikama» (Nous sommes entrés dans l’ère de la propreté, de l’intégrité et de la rectitude). «Tahia touness, yahia echchaab ettounsi, tahia el joumhouria» (Vive la Tunisie, vive le peuple tunisien, vive la république).

* Ingénieur Conseil, consultant International, basé à Paris.

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