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Le stade de Radès et la supercherie des sukuk islamiques

Stade-de-Rades

Le projet d’émission de «sukuk» pour financer les augmentations des salaires de la fonction publique n’est pas dénuée de risque pour l’Etat tunisien.

Par Mohamed Chawki Abid*

Le ministre des Finances et sa secrétaire d’Etat se sont ingéniés ces derniers jours à nous vendre la technique de financement par «sukuk» islamique comme une opération de partenariat financière clémente avec les investisseurs généreux, alors qu’il s’agisse en réalité d’une «vente temporaire d’un actif» en contrepartie d’une liquidité d’un montant convenu, soit une transaction qui s’apparente à une opération de «lease-back» maquillée.

Actif contre liquidités

Pour ce faire, l’Etat tunisien doit se dessaisir d’un actif convenu au profit d’une société de gestion (SVP), qui se charge d’émettre des titres («sukuk») dont le montant total couvre la valeur dudit actif et des frais de l’émission sur le marché international. L’Etat encaisse le montant des «sukuk» émis, en contrepartie de la rémunération des porteurs des «sukuk» par les recettes d’exploitation de l’actif (billetterie ou location + couverture médiatique + publicité pour le cas du stade Radès) majorées annuellement d’un service financier modulable. Au terme de la maturité convenue, l’Etat récupère son actif contre le versement d’une indemnité au titre de solde de tout compte.

En fait, l’équivalent de l’opération «sukuk» pour l’entreprise est le «lease-back» : «vente temporaire d’un actif à l’institution financière contre un montant convenu payé au comptant, actif à récupérer par le propriétaire initial au terme d’une période de location prédéfinie à un prix prédéterminé contractuellement».

Par conséquent, et en cas de défaillance du bénéficiaire au terme du contrat de «sukuk», l’Etat tunisien ne pourra plus récupérer l’actif concédé (complexe sportif de Radès pour le cas d’espèce), ou sera dans l’obligation de recours au marché international pour lever les fonds requis au bon dénouement des «sukuk».

Il est clair que le fait d’induire en erreur le public tunisien, sur la nature de cette opération financière, est considéré comme une tromperie criminelle. Il n’est pas à démontrer que cette opération constitue l’amorce d’un processus de recolonisation de la Tunisie auquel les Tunisiens (citoyens, médias, parlementaires, entreprises, organisations) ne devraient pas souscrire par leur silence quasi-complice, mais devraient s’y opposer avec fermeté et détermination.

Financement de la consommation

Par ailleurs, il est important de souligner qu’une vraie opération de «sukuk» porte sur la titrisation d’un projet ou d’un ouvrage objet du financement, et non sur un bien déjà financé et construit auparavant. Ceci veut dire que les fonds qui seront levés par la titrisation du complexe sportif de Radès ne vont pas servir au financement d’investissement, mais plutôt au financement de la consommation, en l’occurrence le budget de fonctionnement de l’Etat (Titre I), notamment l’augmentation de la masse salariale de la fonction publique.

En outre, ce montage particulier de «sukuk» (actif contre liquidité) n’est pas «chariâa compliance», dans la mesure où la finance islamique accompagne tout projet d’investissement conforme (ou projet commercial conforme) à partir de son enclenchement jusqu’à son parfait dénouement, et n’intervient jamais dans les opérations de liquéfaction d’actifs existants («lease-back») ou d’avance de trésorerie sans transaction commerciale tangible.

Encore une fois de plus, nous nous demandons jusqu’à quand la Tunisie va-t-elle continuer à être abusée et les Tunisiens vont-ils continuer à être trompés par le locataire du Palais des Finances?

Aussi ne serait-il pas grand temps de révoquer les membres du gouvernement qui hypothèquent la nation et profanent les citoyens, pour les remplacer par des patriotes ayant la tête bien faite?

* Ingénieur économiste.

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