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Nidaa Tounes ou la grande désillusion

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L’immense et fol espoir né des deux victoires électorales de Nidaa Tounes laisse désormais place à une grande et bien amère désillusion.

Par Anouar El Fani*

Il y a un an, comme des centaines de milliers de mes compatriotes horrifiés par les atrocités commises par l’islam politique, j’ai préféré voter utile. Sans grand enthousiasme et quelque peu à mon corps défendant, mais le cœur et l’esprit en paix, j’ai fini par me résoudre à donner ma voix à Nidaa Tounès.

Un vote finalement… inutile

Ce parti fourre-tout, créé de bric et de broc, à la va-vite, par Béji Caïd Essebsi, pour contrebalancer l’influence de plus en plus néfaste des islamo-au pouvoir, n’avait certes pas de quoi faire rêver les foules impatientes. Néanmoins, il semblait de toute évidence le plus à même de redresser une situation gravement compromise par l’impéritie, à tous les niveaux, d’Ennahdha et de ses alliés.

Economistes, militants et défenseurs de la société civile et de la laïcité voyaient en lui le dernier rempart face à la déferlante islamiste et à toutes ses dérives, pour tout dire le sauveur suprême et providentiel de tous les acquis majeurs du pays. Son triomphe aux élections législatives et à la présidentielle ouvraient toutes grandes les portes de la renaissance après les années de plomb; la plupart des périls semblaient conjurés et toutes les espérances étaient désormais permises. Surtout, quel immense soulagement de voir les Nahdhaouis et leurs vils acolytes défaits, battus dans les urnes, démonétisés, tant leur gestion des affaires publiques fut calamiteuse à tous égards. Ils gardaient une certaine capacité de nuisance certes, mais ils avaient mordu la poussière et ne pouvaient plus faire que profil bas. Bref, la nuit aura été un peu longue, mais le jour était enfin là, ainsi qu’un certain «état de grâce»

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Après le fol espoir, la grande désillusion.

Un feuilleton à vomir

Las ! Un an plus tard, la déception et la désillusion sont à la mesure des espoirs nourris. Nidaa Tounès offre le spectacle, triste, affligeant et surréaliste, d’un bateau ivre, sans boussole ni gouvernail, tanguant au gré des vents mauvais, des humeurs et des ambitions contraires d’un équipage de piètres manœuvriers ayant perdu le sens des réalités et, partant, tout simplement, celui de l’Etat. Alors que leurs nombreux électeurs s’attendaient légitimement à ce qu’ils honorent les engagements pris en prenant à bras-le corps les problèmes vitaux auxquels notre pays est confronté, en s’attaquant de toute urgence aux chantiers titanesques qui ne sauraient souffrir le moindre retard, leurs querelles, mesquines et dérisoires, motivées par un insatiable appétit de pouvoir et de maroquins, n’ont cessé dès le départ de défrayer la chronique, s’étalant piteusement à la une des journaux et sur tous les plateaux télé. Un feuilleton à vomir car d’une rare indécence, et des politiciens de pacotille à mettre réellement au rencart, puisque tournant cyniquement le dos à leur vraie raison d’être, le service exclusif des intérêts supérieurs de leur pays-ils ne privilégient plus que le désir de paraître et leurs egos de plus en plus surdimensionnés. A quelques clans ou bords qu’ils appartiennent, les caciques de Nidaa ne se préoccupent manifestement plus que de leurs propres intérêts étroits et immédiats.

Ennahdha souffle sur la braise d la discorde

Et pendant ce temps-là, alors qu’ils continuent de s’écharper et de s’étriper à-qui-mieux-mieux sur la place publique, tout un pays menace de s’abîmer dans le gouffre de la faillite. Ennahdha, qui faisait jusqu’ici le gros dos en attendant des jours meilleurs, se frotte les mains, reprend espoir et souffle sur la braise pour aggraver la discorde et se trouver ainsi en pole position le jour venu. Car, ne l’oublions jamais : «il est encore fécond le ventre d’où a surgi la bête immonde».

Dès lors, comment s’étonner que de plus en plus de compatriotes évoquent, ouvertement et avec un brin de nostalgie, l’ère de Ben Ali, et vont jusqu’à envisager sans déplaisir le retour au pays d’un autocrate inculte, corrompu et sanguinaire… De quoi broyer du noir et s’arracher les cheveux ! Et chaque jour, on enregistre une escalade de plus dans l’irrationnel et l’absurde !

Je suis littéralement pris de nausée, je ne sais vraiment pas quelle tournure prendront les événements, ni comment tout cela se terminera. Notre avenir est pour moi un insondable et angoissant mystère. Une certitude cependant : l’immense et fol espoir né des deux victoires électorales, laisse indéniablement place à une grande et bien amère désillusion.

* Ecrivain.

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