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La liberté, seule arme efficace contre le terrorisme

Mabrouk-Soltani

Feu Mabrouk Soltani.

La Tunisie ne gagnera pas son combat contre le terrorisme si elle ne protège pas le mode de vie tunisien et l’islam libertaire par une réforme juridique de grande ampleur.

Par Farhat Othman

Farhat-OthmanQue penser de la dernière vidéo publiée par les terroristes sur le martyre du jeune berger Mabrouk Soltani, décapité par un groupe terroriste, le vendredi 13 novembre, à Jebel Mghila?

Certes, il nous faut d’abord réaffirmer la condamnation de cette horreur ainsi banalisée; cela suppose qu’on arrête de relayer de telles actions supposées relever de l’information quand elles font de la désinformation et ne servent que les intérêts des terroristes.

Il nous faut aussi dénoncer leur barbarie s’en prenant à la vie d’autrui juste parce qu’il ne se soumet pas à la volonté des assassins; ce que fut le cas du jeune Mabrouk, coupable de ne pas avoir collaboré avec ses bourreaux.

Mais il importe surtout de redire ici ce qu’on tait généralement, à savoir à quel point cette minorité de barbares est disséminée dans la société et ses idées manichéennes diffractées dans les têtes, y compris celles supposées bien faites.

Terrorismes mental et physique

On l’a déjà dit, le terrorisme est d’abord mental; il ronge les têtes trop longtemps sevrées de liberté de penser et d’agir librement au point de nourrir une opposition radicale contre la moindre manifestation d’autoritarisme étatique. L’État est assimilé au Léviathan non seulement par ses ennemis, nos barbares terroristes le qualifiant de «Taghout» (despote), mais également par les libres penseurs d’une démocratie naissante qui ne peut être, par définition, qu’impertinente, éprise de libertarisme.

Or, le pouvoir issu de la révolution est demeuré quant à son arsenal juridique le même que celui de l’ordre ancien supposé déchu dans tous les domaines, sauf celui de l’information qu’il tente malgré tout de bâillonner. La dernière loi antiterroriste le prouve bien venant s’ajouter aux lois liberticides, scélérates même, de la dictature toujours en vigueur.

Comment veut-on ramener la confiance dans les cœurs et assainir les mentalités si l’on prétend continuer à gouverner le pays qui a rejeté la dictature avec ses propres lois? La première chose qui aurait dû être faite depuis longtemps était d’abolir de telles lois, du moins les plus symboliques parmi elles en termes de violation des libertés privées.

Elles concernent justement le mode de vie du Tunisien et ses mœurs qui ont changé et nécessitent que les lois en tiennent compte.

J’ai souvent cité, à titre d’exemple, les textes illégitimes, et même illégaux, restreignant la consommation et la vente d’alcool, condamnant les relations sexuelles entre même sexe et hors mariage ainsi que la consommation de drogue douce ou maintenant l’inégalité successorale.

Les autorités, pour des raisons idéologiques ou de simple opportunité, s’y refusent prétextant un conservatisme social quand cela ne reflète que sa hantise de voir la société échapper à tout contrôle, notamment la jeunesse dont il espère continuer ainsi à canaliser la contestation.

De telles lois sont davantage destinées à juguler les libertés que servir la morale; elles sont même doublement immorales. En effet, elles violent déjà une correcte interprétation de la religion qu’elles prétendent servir tout en mentent sur leurs intentions véritables, ce qui en fait des lois malignes, dénuées d’éthique.

Un tel état de choses est gros de conséquences néfastes, contribuant à saper davantage la confiance devant régner entre le pouvoir et la jeunesse, faisant le jeu des terroristes qui arrivent ainsi à y recruter au moins des sympathisants, tous ceux qui ont des raisons de se méfier d’un pouvoir gardant des velléités hégémoniques lui donnant le droit de s’immiscer dans le moindre aspect de leur vie privée, leurs mœurs et leurs penchants.

Quel intérêt a donc l’État d’interdire le commerce d’alcool, jouant le jeu des contrebandiers? Quel intérêt a-t-il de pister les jeunes consommateurs de cannabis au lieu de s’attaquer aux vrais coupables, les trafiquants? Quel bénéfice tire-t-il du harcèlement des gays et des aventures galantes hors mariages quand elles ne font du mal à personne? N’alimente-t-il pas ainsi une défiance déjà grande envers un État qui ne fait de plus que s’affaiblir encore plus, ne serait-ce qu’en occupant un nombre non négligeable des forces de l’ordre aux affaires d’alcôve plutôt qu’à celles réellement graves de banditisme et de terrorisme?

Les libertés contre la barbarie

Le drame du jeune berger le démontre amplement: les terroristes tiennent à s’assurer des relais dans la population et sont prêts à tout pour y arriver, terrorisant jusqu’au martyre ceux qui s’y refuseraient. Le cousin du jeune Soltani l’a bien dit : ils sont en mesure d’acheter les jeunes stigmatisés des zones déshéritées du pays si l’État ne se décide pas à leur venir sérieusement en aide.

Comment serait-ce possible en ne répondant pas à leurs attentes de dignité qui, outre le travail difficile à trouver, est bien dans leur droit à vivre en toute liberté?

Après le martyre de Mabrouk, on a vu le pouvoir voler au secours de sa famille et de sa région; est-ce suffisant? Peut-il empêcher que d’autres drames aient lieu ailleurs où la situation est aussi tragique des habitants et de la jeunesse menacée et soumise au terrible dilemme d’une complicité active sinon objective avec les terroristes pour ne pas risquer sa vie au prétexte d’être au service d’un État qui ne les protège pas assez en limitant déjà leurs libertés?

En la matière, la meilleure protection serait de reconnaître leurs droits aux jeunes sur le plan le plus symbolique qui soit, celui du droit. Il importe qu’au niveau de tous les domaines concernant les jeunes et leur vie de tous les jours, les lois soient réformées dans le sens des libertés et du légitime droit des jeunes à vivre librement leur vie. C’est la liberté et sa protection qui sera la meilleure motivation pour les jeunes afin de résister à la tentation d’aider des terroristes qui ne pourront plus prétendre s’attaquer à un État les terrorisant par ses lois scélérates héritées de la colonisation et de la dictature réunies.

Abolir en Tunisie des lois liberticides — comme celles pénalisant la consommation du cannabis et d’alcool ou les libres relations sexuelles entre adultes consentants, quel que soit le sexe des partenaires et les conditions des rapports du moment qu’ils sont intimes — est une condition sine qua non pour rompre avec la culture de la terreur juridique, seule en mesure de permettre combattre utilement la terreur idéologique. Car elle se fera dans une ambiance de confiance populaire, premier sentiment de sécurité absolument indispensable  dans la lutte antiterroriste.

Il est vain pour les autorités de continuer à prétendre ne pas engager la nécessaire réforme du droit sur de tels sujets au prétexte justement de tenir compte de ce qui serait une tendance grandissante à la radicalisation de la société. Elles ne feraient qu’aller dans le sens des terroristes, physiques comme mentaux, qui se nourrissent d’un tel mythe.

En effet, il n’y a de conservatisme que dans les têtes et elles sont soit celles des privilégiés du pouvoir qui en font un faux alibi pour garder le contrôle de la société soit de cette minorité des terroristes qui souhaitent contrôler la société en usant du même argument : celui d’une religion défigurée.

L’islam n’a jamais limité les libertés privées du fidèle, ni en matière de consommation, ni en termes de mœurs, ni même dans la nécessaire égalité des sexes en matière d’héritage y compris dans ce verset du Coran fondamentalement évolutif de par sa visée qu’on cite à tort en violation de son propre esprit appelant à une parfaite égalité.

C’est en commençant par s’attaquer à de telles lois et en étendant son effort à tous les aspects législatifs répressifs pour donner à la société les droits qui lui manquent que l’État sera en mesure de faire face à un terrorisme pourtant minoritaire sur le terrain tunisien, mais s’alimentant d’une défiance toujours grande, allant crescendo, à l’égard d’un État n’arrivant pas à faire de la société son alliée contre l’ennemi de tous : le terrorisme.

L’État ne réussira dans son combat contre l’hydre terroriste qu’en protégeant le mode de vie tunisien et l’islam populaire libertaire  par une réforme juridique de grande ampleur faisant disparaître les vestiges de l’ancien ordre scélérat de la dictature.
C’est le principal enseignement du drame du martyre du jeune berger.

Faisons donc en sorte que Mabrouk ne soit pas mort pour rien! Que son sacrifice, comme la signification de son prénom, soit profitable au peuple dont la soif de libertés et de dignité est plus grande que jamais. C’est elle qu’il faut servir au plus vite ; c’est une question de crédibilité dans la lutte antiterroriste.

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