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Tunis à l’heure des JCC : Une soif d’images, un besoin de joie

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Une ouverture sous le signe de la décontraction.

Grâce aux JCC, le 7e art illumine cette semaine le ciel de Tunis et les cinéphiles remplissent les salles obscures, en quête d’images et de sensations inédites.  

Par Hamadi Abassi

Dans une atmosphère festive, hautement sécurisée, c’est une avenue Bourguiba joyeuse et grouillante de monde qui a célébré, samedi 21 novembre, le coup d’envoi de la 26e session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC).

Les JCC sont une prestigieuse manifestation filmique créée en 1966 par feu Tahar Cheria pour offrir aux réalisateurs arabes et africains un espace de création, d’échange et de partage leur permettant de témoigner librement de leur réalité et de donner cours à leurs rêves.

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Bain de jouvence pour Férid Boughedir (extrême droite).

Une ambiance décontractée et chaleureuse

Cette ambitieuses biennale du septième art, que son fondateur souhaitait voir alterner avec la Festival panafricain du cinéma et de télévision d’Ouagadougou (Fespaco) devient un festival annuel à partir de 2015 et rend, par la même occasion, un vibrant hommage à Tahar Cheria et au cinéaste sénégalais Ousmane Sembene, deux figures emblématiques du cinéma africain. Leurs portraits, associés sur l’affiche du festival, illustrent parfaitement leur engagement pour l’émergence d’une cinématographie du sud, désaliénée et conforme aux aspirations identitaires africaines, maghrébine et subsaharienne.

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Hamma Hammami et Radhia Nasraoui.

Les JCC enflamment les cœurs et les passions d’un public friand de septième art, mais souvent découragé par la défection outrageuse des salles de cinéma en Tunisie, qui tombent en désuétude les unes après les autres, avant de fermer leurs portes ou de changer de vocation. La session actuelle, proposant de belles propositions filmiques, leur permettrait, le temps d’une semaine plein pleine, d’étancher leur soif d’images, d’histoires, de sensations et de rêves, en découvrant des œuvres venues de différents horizons.

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Un défilé de beautés, strass et paillettes.

Relookés par une agréable scénographie, les abords du théâtre municipal, temple de toutes manifestations culturelles d’envergure, se prête gentiment au rituel du tapis rouge, accueillant avec joie les célébrités et invités de marque, à la grande satisfaction d’un public curieux, séduit et quelque peu fébrile.

C’est sous une profusion de lumières, de sons, d’images et d’effets high-tech que la cérémonie d’ouverture a révélé son lot d’agréables surprises avec l’arrivée de Victoria Abril, Souleyman Cissé, Hend Sabri, Feriel Youssef, Maya Diab, Khaled Abu El Naga, Amr Youssef, Hichem Rostom, Slah Mosbah, Saloua Khattab, Hana Chiha, Yared Zaleke, Carmen Laboss, Feriel Graja, Sawssen Maalej, Lotfi Bouchnak, Lotfi Ben Hassine, Raouf Ben Amor et d’innombrables autres vedettes de cinéma, de théâtre et de cinéma, ainsi que des figures de la scène politique tunisienne, et à leur tête le chef du gouvernement Habib Essid.

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Victoria Abril, marraine des JCC, et Mourad Zeghidi, maitre de cérémonie.

La cérémonie d’ouverture débuta avec une heure de retard sur l’horaire prévu, dans une bonbonnière pleine à craquer jusqu’au poulailler, présentée par l’homme de télévision Mourad Zghidi très à l’aise, main dans la poche, excessivement décontracté, diront certains, qui auraient peut-être aimé le voir écrasé par le trac.

Dans la fosse d’orchestre, l’Orchestre symphonique de Tunis (OST) sous la houlette du maestro Hafedh Makni accueillait les hôtes du festival avec un extrait du ‘‘Lac des cygnes’’ de Tchaïkovski. Moment de plaisir auquel succédera, projetée sur un écran, la pétulante danse du film ‘‘Zorba le Grec’’ de Mikael Cacoyannis, jouée par l’immense Anthony Queen. La musique du film ‘‘Asfour Stah’’ de Ferid Boughedir nous restituait ensuite les atmosphères chaleureuses chargées d’une belle nostalgie de la médina de Tunis. Cette digression musicale a été clôturée par un extrait de la somptueuse musique du film ‘‘Lawrence d’Arabie’’ de Maurice Jarre, interprétée avec beaucoup d’allant par les virtuoses de l’OST.

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Une tendre pensée pour un cher disparu: Ahmed Senoussi.

Standing ovation à la mémoire d’Ahmed Snoussi

La cérémonie d’ouverture des JCC s’annonçait sous de beaux auspices à la satisfaction d’un public séduit, qui ne ménageait guère ses encouragements.

L’hommage accordé par une vibrante standing ovation à la mémoire de feu Ahmed Senoussi nous plongeait dans une forte émotion. Semblable à une étoile filante, le talentueux comédien, l’une des vedettes les plus affirmée du cinéma et de la télévision tunisiens, pétri de belle humanité, s’était éclipsé quelques jours auparavant, emporté par une méchante maladie.

Parfaitement à l’aise dans le challenge de l’interview, Mourad Zghidi accueillait sur scène Victoria Abril en robe blanche, la tête recouverte d’une délicate mantille. L’égérie du réalisateur Pedro Almodovar se reconnaissait avec beaucoup de plaisir comme «la marraine des JCC parfumée au jasmin» et considérait le cinéma comme une thérapie qui l’a aidée à vivre, dira-t-elle avec sa bonne humeur communicative.

Dorra Bouchoucha dans son élégante robe rouge, la rejoint sur scène pour expliquer tout le chemin parcouru depuis sa nomination à la tête de ce festival, et souhaiter «Bon vent» à son successeur, le cinéaste Brahim Letaief.

La présence de la Palestinienne Leïla Chahid parmi les membres du jury de la compétition officielle, aux côtés du Marocain Noureddine Saïel, de la Tunisienne Anissa Barrak, de l’Egyptien Oussama Faouzi, de la Chilienne Marcella Saïd et du Français Abel Jafr, a provoqué un tonnerre d’applaudissements dans la salle. La Palestine, on le sait, a toujours été au coeur des JCC.

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Brahim Letaief n’a pas ménagé ses efforts. Et cela se voit…

La touche de Brahim Letaïef

Sobre et concis, Brahim Letaïef montait sur scène pour rappeler l’attachement de ce festival à ses fondamentaux : la promotion des cinémas du sud, et notamment africains et arabes. Plusieurs sections soutiendront cette démarche, comme «Carthage Ciné-fondation» dédiée aux films d’école qui révélera les jeunes talents et les propulsera sur le devant de la scène, tout en leur accordant une résidence d’écriture de trois mois à Tunis, assortie d’une bourse.

Dans ce même contexte, le prix Tahar Cheria, créé pour la circonstance, récompensera la première oeuvre d’un jeune réalisateur d’Afrique et du monde arabe.

Espace de rencontre et de découverte le festival proposera toutes sections confondues un choix considérable de 600 films répartis entre longs et courts métrages. Des œuvres de différents genres pour une exaltante pérégrination à travers les cinématographies du monde qui se sont distinguées au cours de l’année 2015.

Avec 93 films programmés, la section «Panorama du cinéma tunisien» s’emploiera à accorder davantage de visibilité aux films locaux.

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Les membres du jury.

Généreuses, les JCC ne veulent plus se confiner dans la capitale et, grâce au programme «JC Cities», elles se déploieront dans plusieurs villes : le Grand Tunis, Kairouan, Monastir, Sfax, Jendouba, Gafsa, Tataouine, Kef, Mahdia, Kasserine et Djerba.
On prévoit aussi des projections dans quatre établissements pénitenciers : Borj Erroumi, Mornagui, Mahdia et la prison des femmes de Manouba, une manière d’impliquer dans cette fête du cinéma un public qui en était jusqu’ici exclu.

Les universités ne seront pas en reste et les étudiants assisteront à des projections quotidiennes. La Faculté des Lettres et des Humanités de la Manouba abritera un colloque en hommage à l’écrivain, penseur, essayiste tunisien Abdelwahab Meddeb intitulé «Littérature et cinéma, discours écrit, discours filmique, narration romanesque, fiction filmique».

Il ne restait à la ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine Latifa Lakhdher que de rappeler l’importance de la culture en général et du cinéma en particulier dans la lutte contre l’obscurantisme et d’annoncer solennellement l’ouverture de la session des JCC.

La cérémonie protocolaire achevée, un long métrage éthiopien fut projeté : ‘‘Lamb’’ de Yred Zeleke (L’agneau), un film au ton âpre sur la réalité sociale frustrante d’une pauvre famille de Falachas, et l’amitié attachante entre un adolescent et son agneau.

Le septième art illumine cette semaine le ciel de Tunis et les cinéphiles, qui remplissent les salles obscures ne sont pas à plaindre, mais à féliciter pour leur engouement. Les festivaliers ont du mérite, eux aussi, celui de répondre présent et de donner ainsi tout son sens à la fête.

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