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Ahmed Néjib Chebbi et le syndrome de la dernière ligne droite

Qu’est-ce qui fait courir Ahmed Néjib Chebbi, un vieux briscard de la politique, coureur de fond très pressé, qui a toujours raté la dernière ligne droite?

Par Salah El-Gharbi

Le lendemain de la proclamation des résultats du premier tour des présidentielles de 2014, Ahmed Néjib Chebbi, dépité, s’était retiré chez lui, ruminer son amertume. Ainsi, des décennies de combats politiques, commencées sous Bourguiba dans les années 70 et poursuivies sous Ben Ali finissent lamentablement par une sanction politique sans appel. Et l’homme était tellement aigri qu’il avait refusé de donner une consigne de vote en faveur de son farouche adversaire politique, Béji Caid Essbsi (BCE), malgré l’incitation de plusieurs de ses compagnons de route.

Depuis, fier, l’homme préfère céder la place à son frère cadet, Issam, sa doublure politique, pour continuer à donner de la visibilité à un Parti républicain (Al-Joumhouri) réduit à presque rien…

A défaut de Carthage, le tremplin de la Kasbah

Pourtant, malgré la massue de fin 2014, la décapitation du parti, qui ne compte plus qu’un seul député à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et le score ridicule des présidentielles, la flamme intérieure ne s’est jamais éteinte.

L’homme est resté à l’affut, attendant son heure, celle de la revanche.

Dans sa retraite, M. Chebbi était demeuré attentif à l’évolution de la situation dans le pays, scrutant chaque faux pas de l’exécutif, pour ne la quitter que le jour où il a senti que le pouvoir était en crise. Alors, enterrant son amertume, il s’est empressé de se rendre visite à Carthage pour offrir ses services à BCE, et en sortir, affichant l’air de la satisfaction, comme s’il renaissait de ses cendres. Depuis ce jour-là, il reprend son interminable marche vers le somment, comme Sisyphe, poussant son rocher…

La proposition faite par BCE, le jeudi 2 juin, de constituer un gouvernement d’union nationale était du pain béni pour le leader d’Al-Joumhouri qui va en profiter pour se propulser au-devant de la scène et saisir, c’est du moins son souhait, cette ultime opportunité pour réaliser ses ambitions politiques, occuper le palais de la Kasbah, le tremplin pour accéder, en 2019, à celui de Carthage. Pour arriver à ses fins, il lui fallait faire du coude, bousculer ceux qui étaient pressentis comme de potentiels rivaux, en l’occurrence, Said Aïdi et Néji Jalloul, deux ministres (de la Santé et de l’Education) populaires, dont il n’hésite pas à fustiger l’action sur les ondes d’une radio privée. Pathétique…

Un homme de talent trahi par son ego surdimensionné

Il est incontestable que M. Chebbi reste un grand militant et un homme qui compte sur l’échiquier politique. Mais, en politique, comme dirait l’autre, ce qui compte ce sont les résultats. Or, M. Chebbi, depuis cinq ans, alors que l’espace politique lui offrait de véritables opportunités, n’a fait que multiplier les maladresses, s’empêtrant dans les illusions que lui fait miroiter son ego surdimensionné…

En 2011, il perd en se positionnant de manière frontale contre Ennahdha. Et quand, en 2014, il se reprend en courtisant le mouvement des «Frères», avec sa campagne pro-Rabaâ et contre le coup d’Etat du général Sissi contre les Frères musulmans en Egypte, il se plante à nouveau, car l’électorat islamiste lui préfère Moncef Marzouki, l’ex-président provisoire de la république. Et puis, en refusant le rapprochement avec Nidaa, et en se dressant férocement contre BCE, au cours des présidentielles, il perd la possibilité de se voir confier la Kasbah…

Aujourd’hui, encore, et après tant de hasardeuses manœuvres, l’impénitent Chebbi récidive avec le communiqué d’Al-Joumhouri, condamnant l’interdiction, le week-end dernier, du congrès du parti islamiste radical Hizb Ettahrir, croyant ainsi gagner les faveurs du cheikh de Monplaisir, le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi.

Au-delà des pronostics des uns et des autres, les dés seraient-ils jetés? BCE, qui reste l’homme fort du moment, aurait déjà fait son choix depuis quelque temps. Il lui resterait à faire adouber son poulain par Ennahdha. Et cet élu ne serait probablement pas M. Chebbi. Sauf une bien grosse surprise de dernière minute ! Car, on voit mal BCE confier le destin d’un pays en crise à un homme qui, malgré ses qualités personnelles incontestables et son passé militant, vient de dilapider, en quelques années, un important capital de sympathie et de contribuer à faire éclater une formation politique aussi solide que le Parti démocratique progressiste (PDP), dont Al-Joumhouri actuel n’est qu’un terne héritier?

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