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Economie : Des pistes pour impulser le développement régional

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D’anciens responsables, experts économiques et opérateurs économiques proposent des pistes pour relancer le développement régional, talon d’Achille de l’économie tunisienne.

Par Habib Trabelsi

Le Centre de prospective et d’études sur le développement (CPED), un think-tank nouvellement créé par des figures économiques marquantes, a préconisé des solutions susceptibles de développer les régions défavorisées durant des décennies par les oligarchies au pouvoir, mais selon des experts, ces remèdes sont appelés à rester lettre morte, la volonté politique faisant défaut.

Présentant à une élite d’hommes politiques, d’économistes et d’hommes d’affaires le premier fruit de ce laboratoire d’idées, un document de 35 pages intitulé «Éléments de stratégie de sortie de crise», le président et initiateur du CPED, Taoufik Baccar, a appelé jeudi à «l’adoption de mesures concrètes et de court terme pour restaurer la confiance, rétablir l’espoir et transformer le cercle vicieux en cercle vertueux».

Transformer la Tunisie en un littoral

Parmi ces mesures, M. Baccar – qui avait occupé plusieurs responsabilités à caractère économique et financier – a évoqué deux remèdes-phares contre le déséquilibre économique régional. Il a souligné la nécessité de désenclaver les régions de l’intérieur par «l’adoption d’une stratégie de développement régional fondée sur une nouvelle vision qui considère la Tunisie toute entière comme une bande côtière, avec la mise en place d’un réseau d’autoroutes qui relie le Nord au Sud et l’Est à l’Ouest avec des relais transversaux entre les régions».

«Le pays doit œuvrer à mettre en place un modèle de développement intégrateur et équilibré qui œuvre à garantir le développement de l’ensemble des régions dans le cadre d’une nouvelle approche qui considère tout le territoire national comme une bande côtière intégrée et complémentaire dont la compétitivité aurait été renforcée de manière à tirer profit de sa proximité d’un grand ensemble économique, celui de l’Union européenne (UE)», a-t-il insisté.

Dans ce même contexte, il a souligné que le réseau ferroviaire peut jouer un rôle prépondérant dans l’intégration régionale, car, a-t-il dit, «le transport ferroviaire est la colonne vertébrale de l’intégration économique régionale».

M. Baccar a également préconisé la création d’un Fonds national pour le développement régional qui «finance les projets dans les régions défavorisées sur la base de critères objectifs (nombre de population, taux de chômage, taux de pauvreté…)».

Des vœux pieux

A vrai dire, ce n’est pas la première fois que des experts économiques plaident en faveur du développement des régions défavorisées et critiquent le déséquilibre économique régional et le mode de gouvernance politique et administratif hyper-centralisés.

D’ailleurs, le mot d’ordre de la «révolution» en janvier 2011 était contre le déséquilibre régional, imputable à des régimes qui fonctionnent selon un modèle bureaucratique associé à la corruption d’un Etat patrimonial gouverné par un parti unique qui exerçait tous les pouvoirs et avait la mainmise sur l’économie.

Depuis, des recommandations en faveur des zones économiquement défaillantes ont plu de partout : sur les ondes, sur les écrans, sur la toile, sur les colonnes de publications diverses…

«Il ne faut plus que le développement se fasse par îlots séparés et cloisonnés, enclavés. Il convient de trouver la voie pour parvenir à un maillage territorial garantissant une synergie entre les régions (…) la valorisation du potentiel des régions favoriserait le développement et pourrait corriger les disparités et niveler les inégalités en tous genres. Rompre l’isolement des régions reculées ou peu nanties, c’est certainement la voie du salut», avait ainsi appelé Radhi Meddeb, le président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed).

Plus tôt, Riadh Zghal, docteur d’État en sciences de gestion et professeur émérite des universités tunisiennes, avait même préconisé, lors d’un colloque international, «un découpage horizontal de la république, de manière à ce que les gouvernorats les plus développées jouent le rôle de locomotives pour le développement des régions de l’arrière pays». Elle avait aussi souligné l’urgence de la création de «conseils régionaux» pour remédier à l’hypercentralisation.

Mais, comme c’est le cas en général pour les recommandations des centres de recherches et des think-tanks qui ont proliféré ces dernières années et dont la plupart ne sont que des coquilles vides, ces appels avaient l’air de prêches dans le désert. Ils n’ont pas eu, ou pas assez, d’impact effectif auprès des gouvernements successifs, à cause des réticences des décideurs politiques.

Des responsables à la traîne

C’est ce qu’ont souligné à l’envi plusieurs invités triés sur le volet qui se sont relayés lors du débat, certains dénonçant l’«incurie», le «laisser-aller» ou encore «l’incompétence» des gouvernants.

Parmi ces invités figuraient Mohamed Salah Ayari, le conseiller juridique et fiscal et membre du bureau exécutif du parti Al-Joumhouri, Mourad El-Hattab, l’expert en ingénierie financière, Slah Kanoun, le président directeur général de la Banque tunisienne de solidarité (BTS), ou encore l’expert-comptable Walid Ben Salah.

«Le diagnostic (de la situation économique, établi par le CPED) est judicieux. Il est nécessaire mais pas suffisant. Tout le monde sait qu’il y a une crise économique sans précédent, mais la crise est politique par excellence», a lancé Walid Ben Salah. «Cette crise est multiforme : une crise de confiance entre les citoyens et l’Etat, entre les partis politiques, entre l’Etat et les investisseurs étrangers. Il y a une crise de valeurs et une crise de conscience. On ne peut résoudre ces crises que par une réforme du système éducatif et de l’enseignement supérieur et aussi de la système judiciaire», a déploré l’expert-comptable.

Néji Mhiri, le magnat de l’hôtellerie et de l’industrie du meuble, s’en est pris lui aux «gouverneurs régionaux». «Avec ces changements de gouvernements, nous avons perdu notre crédibilité. L’instabilité fait la faiblesse. Je suis pour une régionalisation des décisions, comme en Suisse… mais je blâme les gouverneurs (tunisiens)», a lancé sans ambages le fondateur de Meublatex et de la chaîne El Mouradi Hotels, qui a eu «le fin mot» du débat.

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