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Une faille sécuritaire européenne : Ces terroristes aux multiples identités

Anis Amri et Mohamed Lahouiej Bouhlel, auteurs des attentats de Nice et Berlin. 

De manière extraordinairement déconcertante, les terroristes profitent souvent des énormes failles du système sécuritaire européen. Explication…

Par Jamel Dridi

L’identité multiple d’Anis Amri, auteur présumé de l’attentat de Berlin, a, considérablement compliqué la tâche des services de renseignement et des enquêteurs, comme ils l’ont avoué eux-mêmes. Ce fut aussi ce qui empêcha les services tunisiens, lorsque leurs homologues allemands les ont contactés à ce sujet, d’identifier cet homme comme étant l’un de leurs ressortissants ne le retrouvant pas dans leurs bases de données.

Nous avons enquêté en Allemagne, en France, en Suisse et en Italie sur la facilité d’obtenir des identités différentes et, parfois, dans un même pays. Et le résultat est stupéfiant.

En effet, dans tous ces pays, un même individu peut obtenir plusieurs papiers d’identité provisoires à des noms différents lui permettant non seulement de toucher plusieurs fois les aides sociales mais aussi, potentiellement, d’échapper totalement à une recherche de police en cas d’acte terroriste commis sous l’une des fausses identités. Et la facilité pour obtenir des faux papiers est pour le moins déconcertante.

Voici comment cela fonctionne…

Que ce soit en France, en Allemagne, en Italie ou en Suisse, un seul organisme est chargé d’accueillir toutes les étrangers demandeurs d’asile sur le territoire de ces pays. Dans plus de 95% des cas, afin de rendre plus difficile leur expulsion ultérieure en cas de refus de leur demande d’asile, ces derniers affirment qu’ils ont perdu leurs papiers d’identité délivrés par le pays d’origine. Les autorités d’accueil partent donc de zéro, dans le sens où ils sont obligés de les croire sur parole et de retenir l’identité qu’ils déclinent. Certains demandeurs d’asile sinon la plupart d’entre eux donnent une fausse identité. Et pour compliquer d’éventuelles vérifications effectuées dans leur pays d’origine, ils avancent le nom d’un autre qui, généralement, connait de fortes tensions ou est en guerre, comme la Syrie.

Ainsi, en 2011, au moment de la révolution tunisienne, il est de notoriété publique que des milliers de demandeurs d’asile en Europe disaient qu’ils venaient de Tunisie même s’ils étaient en réalité algériens ou marocains. Entre 2011 et 2012, c’était la Libye, pays en guerre, dont se réclamaient la plupart des demandeurs d’asile. Depuis 2013, c’est la nationalité syrienne qui est souvent avancée. Le pays étant frappé par une guerre civile terrible, il est très difficile de se rapprocher de l’administration syrienne pour effectuer des vérifications.

Mais la supercherie ne s’arrête pas là. En effet, dans les quatre pays européens cités ci-haut, il suffit de s’éloigner de quelques kilomètres, en changeant de région administrative, pour pouvoir faire, dans un autre centre, une nouvelle demande. Là aussi, on dit qu’on vient juste d’arriver d’un pays en guerre et qu’on a perdu ses papiers, et le tour est joué. Il faut juste donner une identité et une nationalité différentes de celles données auparavant.

Si l’on sait que dans certains de ces pays européens, il existe plus d’une vingtaine de centres recueillant les formalités de demande d’asile, un individu mal intentionné pourrait potentiellement avoir 20 identités différentes qu’il peut faire valoir selon les besoins : bénéficier d’une aide sociale, contourner un contrôle de police, etc.

Pourtant, des mécanismes de sécurité existent réellement mais ils dysfonctionnent. En effet, si, selon les pays, les empreintes sont prises et des logiciels de reconnaissance faciale utilisés, ces outils sont parfois aisément détournés. Car, comme nous l’avons constaté, il suffit de changer légèrement son apparence et, comme c’est habituel chez certains réfugiés, de se râper et écorcher les doigts d’une certaine façon, pour tromper ces outils scientifiques.

Par ailleurs, les files d’attente des demandeurs d’asile sont tellement importantes que les agents chargés de la prise d’identité sont obligés d’aller vite, sans effectuer les contrôles stricts qu’on attend d’eux.

Théoriquement aussi, un autre mécanisme de sécurité oblige les personnes en attente d’examen de leur demande d’asile à résider dans un foyer d’hébergement précis. Ceci afin de les fixer et faciliter leur contrôle administratif. Dans la réalité, ces foyers sont débordés et submergés par les centaines de milliers de réfugiés récemment arrivés en Europe et demandent aux réfugiés d’aller se débrouiller pour se loger ailleurs. Et c’est ainsi que ces derniers sont perdus de vue ou sont attirés par des réseaux de criminalité ou de radicalisation.

Enfin, et ce n’est pas la moindre faille dans ce système, le récépissé de demande d’asile tenant lieu de pièce d’identité est généralement un document banal qui peut être facilement photocopié et modifié.

Au-delà de cette facilité d’obtention de papiers d’identité provisoires, qui doit interpeller les services administratifs et sécuritaires européens, ce qu’il faut retenir, c’est que, si rien ne change, demain, n’importe quel terroriste potentiel pourra, avant de commettre son acte, se donner la nationalité et l’identité de son choix et ainsi brouiller les pistes et rendre difficile le travail des enquêteurs.

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