Photos Karim Kamoun.
En l’état, le projet de loi traitant de l’abolition des violences à l’égard des femmes reste insuffisant. Voici pourquoi…
Par Farhat Othman *
Il est possible, à la faveur de l’examen à l’ l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP) du projet de loi sur les violences faites aux femmes de débarrasser la Tunisie de la honte de l’homophobie, base légale des ignobles tests anaux et de virginité.
Un texte insuffisant
Le projet de loi, actuellement en discussion à l’ARP, traite de l’abolition des violences à l’égard des femmes. Malgré son intérêt indéniable, ce texte est notoirement insuffisant du fait qu’il omet la violence majeure faite aux femmes qui est l’inégalité successorale.
Certes, on en comprend la raison puisqu’on estime que le sujet est trop sensible en termes religieux et qu’il suscite polémique de nature à retarder l’adoption de cette loi.
Admettons donc ce raisonnement, bien que l’on à bien tort de faire l’interprétation que l’islam interdirait l’égalité successorale, alors qu’on pourrait la réaliser en son nom, moyennant une correcte interprétation du texte religieux.
Outre ce premier tort majeur, le texte se focalise trop, pour des raisons idéologiques, sur la pénalisation des rapports avec la mineure sans la possibilité de mariage possible, une disposition de l’ancienne législation pas aussi scélérate qu’on le prétend, car elle tient compte du droit au sexe de la mineure qu’on pénalise aujourd’hui au nom de son intérêt.
En effet, si l’on est mineur avant 18 ans, on n’est pas moins majeur sexuellement bien avant cet âge. Or, le texte actuellement retenu ne tient nullement compte d’une telle réalité objective en condamnant tout rapport sexuel avec une mineure, y compris consentante.
Un tel texte est même néfaste en ce sens qu’il ne reconnaît pas le droit au sexe des jeunes, aussi bien filles que garçons, avant leur majorité. Aussi est-il nécessaire, afin de ne pas ajouter à la misère sexuelle de nos jeunes d’exclure les mineurs garçons quand ils ont un rapport sexuel consenti avec une mineure. Ainsi serait-on juste et non dogmatique, intégriste à l’envers même.
Une omission illogique
Le plus aberrant dans le texte actuellement discuté est cette aberration qui, dans son oeuvre salutaire de toilettage d’un Code pénal obsolète, le voit s’arrêter à l’article 229 dans l’énumération de l’article 15.
On ne comprend pas cette irresponsabilité de ne pas pousser la nécessaire audace d’abolir aussi l’article 230 afin de libérer enfin la Tunisie de la tare de l’homophobie.
Croire que cette base légale de l’homophobie ne concernerait pas la violence faite aux femmes est bien une grave erreur. Car l’homophobie est une agression tous sexes qu’il importe de la faire cesser sans plus tarder dans le présent projet de loi. Car, ne l’oublions donc pas, l’article 230 est la justification légale des scélérats tests anal et de virginité.
Voilà donc une occasion en or à ne pas rater pour débarrasser la Tunisie sans plus tarder de la honte de l’homophobie. Où sont alors les humanistes pour l’exiger et l’imposer à un gouvernement qui semble par trop pusillanime sur le sujet pour des motifs religieux alors qu’il a été amplement démontré que l’islam n’a jamais été homophobe.
Où sont les femmes démocrates qui s’investissent à fond et à bon droit dans l’aboutissement des droits des femmes et qui devraient tout autant le faire pour débarrasser enfin la Tunisie des tests de la honte, anal et de virginité, et donc de l’article 230, base légale de l’homophobie.
Rappelons que l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) avait déjà voué aux gémonies cette survivance de la colonisation, appelant à son abrogation. N’est-ce pas donc le moment propice? Cela le serait en le citant dans l’article 15 actuel à libeller tel que proposé ci-après.
Projet d’amendement de l’article 15 actuel
Afin d’être logique et juste, limitant ses insuffisances ci-dessus signalées, voilà un projet d’amendement que les défenseurs du texte ou le gouvernement seraient bien inspirés de proposer afin d’honorer l’État de droit et être en conformité avec la Constitution et ses obligations internationales.
Rappelons à ce propos que l’abolition de l’article 230 a été demandée par le parlement européen dans sa fameuse résolution consacrée à la Tunisie.
Article 15 (nouveau)
Sont abrogés les dispositions des articles 208, 226 ter, 227, 227 bis, 229, 230, le § 2 de l’article 218, le § 3 de l’article 219, le § 2 de l’article 222 et le § 2 de l’article 228 du Code pénal et remplacé par les dispositions qui suivent :
Article 319 du Code pénal.
Suppression de l’expression suivante du § premier : «et la correction de l’enfant de la part de qui a de l’autorité sur lui ne nécessite pas sanction».
* Ancien diplomate.
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