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Tunisie : Un western politique dangereux

Au moment où l’économie tunisienne repart, il faut se garder de détricoter ce qui a été réalisé et rechercher l’apaisement par le consensus politique.

Par Jamel Dridi

Empreinte d’émotion, la réponse de Fadhel Abdelkefi, ministre des Finances par intérim, à la Samia Abbou, députée du Courant démocratique à l’Assemblée des représentants du peuple peut paraître maladroite sur la forme, mais elle se comprend sur le fond.

Le pourrissement du débat rabaisse le niveau de la classe politique, inquiète les investisseurs et, in fine, constitue une menace pour la jeune démocratie tunisienne.

Un stérile jeu de massacre

Quel paradoxe! C’est au moment où l’horizon économique s’éclaircit, où les exportations industrielles redémarre et où le tourisme reprend des couleurs, et donc au moment où on a le plus besoin de stabilité politique pour confirmer l’entrée du pays un cercle vertueux, après de années d’incertitude et de crise, que certains ténors de la scène politique décident d’entamer un stérile jeu de massacre.

Ainsi, nos cow-boys politiques, inconscients de l’image qu’ils envoient aux investisseurs et décideurs économiques étrangers, se mettent à se tirer, par médias interposés, les uns sur les autres. On retrouve, d’ailleurs, les deux mêmes camps qui, en 2012, s’affrontaient : d’un côté, les islamistes et apparentés autour du président d’Ennahdha Rached Ghannouchi, et de l’autre, les modernistes laïcs autour du lobbyiste politique Kamel Eltaief. A cela s’ajoutent les surprenantes sorties médiatiques de l’ex-président par intérim Moncef Marzouki, ou de tel ou tel responsable syndical, venant rajouter encore plus de brouillard à une situation déjà confuse.

Soit la démocratie, soit le coup d’Etat permanent

Malgré ses manques, l’accord de Carthage a permis de donner un peu de répit et de calme pour permettre à l’Etat tunisien de se remettre sur pied après la révolution de 2011 et les errements qui l’ont suivie, et surtout d’avoir un minimum de cohésion pour permettre à l’institution sécuritaire de faire face au défi terroriste.

Mais si cette stabilité politique s’érode, tout peut être remis en cause avec un risque de pourrissement politique, économique et social.

Il n’est pas nécessaire de rappeler où cela a conduit dans le passé, en Tunisie ou ailleurs. Tout pays instable s’effondre économiquement, devient faible et suscite la convoitise d’hommes qui, parce qu’ils croient que leur moment est venu ou parce qu’ils sont soutenus par des puissances étrangères, tentent un coup d’Etat. Mais à quel prix et pour quel résultat pour un pays comme la Tunisie, qui a réussi, jusque-là, à se prémunir contre cette tentation.

Faut-il rappeler, aussi, dans ce contexte, que 2017 n’est pas 1987, année de la destitution d’Habib Bourguiba et de la prise de pouvoir par Zine El Abidine Ben Ali. La profusion des armes dans la région et le contexte géopolitique actuel en Afrique du Nord pourraient entraîner de terribles contrecoups à la syrienne. Ce serait une voie sans issue.

Non, la voie à suivre est bien celle de la démocratie qui passe par un apaisement rapide entre les forces politiques tunisiennes.

Ce chemin est difficile dans une Tunisie qui s’essaie, difficilement, à la démocratie, et dont l’exemple, disons-le franchement, gêne certaines parties étrangères, à commencer à les pays du Golfe, plus promptes à soutenir la prise du pouvoir par un militaire comme Sissi en Egypte, à coups de milliards de dollars, qu’à investir en Tunisie pour aider ce pays à assurer sa relance économique.

En effet, certaines dictatures arabes ont peur pour leur pérennité et craignent que la réussite démocratique tunisienne ne s’exporte chez elles. Sur un autre plan, certains pays occidentaux rejettent l’idée d’islam politique et voient d’un mauvais oeil une démocratie qui l’engloberait avec succès. Parfois, ces deux oppositions se combinent associés dans une volonté de prédation sur la Libye ou l’Algérie, qui passe nécessairement par une Tunisie affaiblie et tenue en laisse par les puissances étrangères.

Au moment où l’économie tunisienne repart, il faut se garder de détricoter ce qui a été réalisé jusque-là et rechercher l’apaisement par le consensus politique, conditions sine qua non pour garantir la stabilité et la relance économique, la réussite tout court.

 

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