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Tunisie : Quelle éducation sexuelle en l’absence de droits au sexe?

Pour mieux nier le droit au sexe, la dernière trouvaille des islamistes tunisiens est d’appeler à une éducation sexuelle bidon dans les écoles.

Par Farhat Othman *

Comme avant-hier avec l’alcool et hier sur le cannabis et l’homosexualité, voici que s’élève au parlement une voix fausse parmi celles de plus en plus nombreuses chez les islamistes du parti Ennahdha qui pratiquent la politique à l’antique, en pure ruse, non sans art cependant, un art décadent, sans éthique cependant.

Elle appelle à l’éducation sexuelle à l’école, non pas pour la réaliser, mais juste pour faire croire au progressisme de son parti, une façon de mieux tromper ceux qui veulent bien rester dans l’erreur sur la nature du parti islamiste, rétif à tout droit sexuel, comme au demeurant ses semblables supposés modernistes et qui ne font rien, étant mentalement conservateurs.

L’art de parler pour ne pas agir

C’est de cela que joue à merveille le parti Ennahdha, car de telles sorties médiatiques bien calculées relèvent bien évidemment de la pure esbroufe, ce sport national pratiqué à tous les niveaux en Tunisie, d’autant plus qu’il est dénué du moindre fair-play.

Un tel sport politique tunisien, comme le sport proprement dit, le football plus particulièrement, n’est que l’occasion de se montrer et s’imposer par tous les moyens, y compris et surtout immoraux, car la fin y justifie les moyens utilisés de tromperie éhontée.

En l’occurrence, la fin pour le parti islamiste c’est de se faire passer pour le plus libéral dans le pays ; ce qu’il fait avec talent et la complicité objective de ses supposés concurrents du fait de leur inertie sur le plan des valeurs éthiques en matière de droits et de libertés.

En cela, outre de surenchérir sur le positionnement trompeur du président de la république en matière d’égalité successorale (constituant une commission pour enterrer la cause), le parti de cheikh Ghannouchi va dans le sens de ce qu’on attend de lui du côté yankee et même d’Occident en général.

Il faut savoir, à ce propos, qu’un tel libéralisme est vide de sens en termes de libertés essentielles, donc politiques et sociales, se limitant au domaine économique où tout, surtout le droit, doit se plier à l’esprit du libéralisme sauvage.

Celui-ci n’a jamais fait autant loi dans le monde et en Tunisie, plus particulièrement depuis qu’il a réussi à refaire sa fameuse alliance avec la religiosité protestante et qui a permis son essor hier, la refaisant donc avec l’islamisme, qu’il soit wahhabite ou nahdhaoui.

Impératif d’abolition des lois scélérates

La dernière initiative saugrenue, car n’ayant que le but de tromper, de nos Nahdhaouis en matière d’éducation sexuelle l’est d’autant plus qu’elle est faite dans l’enceinte de l’assemblée qui se refuse à prendre les lois nécessaires de nature à permettre d’évoluer en ce sens dans un pays où le moindre droit au sexe, ou même à un simple bisou en public, est prohibé et sévèrement sanctionné pénalement.

Quelle éducation sexuelle donc en Tunisie en l’absence de droits au sexe? Qu’est-ce qui empêche donc que la députée auteur de cette initiative finalement immorale — car faite pour tromper, à moins qu’elle n’ait eu que l’intention de parler pour ne rien dire et faire — de proposer plutôt un texte de loi abolissant déjà les lois scélérates contraires à tout droit au sexe?

Des textes existent pourtant issus des militants et de la société civile, y compris sur le bureau du groupe au parlement de la députée, comme en matière d’abolition de la honte de l’article 230 du Code pénal. Pourquoi ne pas les présenter au non de son parti, démontrant être sincère et rendant crédible son propos? Ne serait-ce pas ainsi la meilleure façon pour parler utilement d’éducation sexuelle ? Sauf, bien évidemment, à ne vouloir le faire que juste en paroles. Ou, au mieux, avec une visée intégriste consistant à nier tout droit au sexe, non seulement avant la majorité, mais durant toute la vie.

Car hors du canon intégriste où l’humain n’a pas de droit sexuel, il a tout juste le doit, érigé en obligation de procréer selon le cadre imposé par les tartufes de la foi d’un Antéislam qui veut s’imposer en Tunisie comme il l’a fait en Orient.

Alors, Yamina Zoghlami, la députée auteure de l’appel à l’éducation sexuelle, donnez donc l’exemple de l’honnêteté intellectuelle, politique et spirituelle en osant proposer un projet de loi abolissant tous les textes scélérats niant le sexe, et partant l’amour, en Tunisie. Des textes qui ne reflètent en rien, doit-on le rappeler, l’éthique musulmane qui a été libertaire en ce domaine, mais la morale judéo-chrétienne du protectorat, la plupart de ces lois à abolir étant coloniales.

Le parti Ennahdha servira-t-il enfin, comme il le prétend, la souveraineté du pays? Nous attendons pour le juger sur des actes concrets et non sur des paroles en l’air, tenues justes pour tromper. Comme le reste des partis s’adonnant à cette fameuse langue de bois qui n’a rien d’islamique, l’islam commandant la juste parole et le courage de la vérité.

* Ancien diplomate, écrivain.

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