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Méditerranée : Le pont entre Haouaria et la Sicile se réalisera tôt ou tard

On doit l’idée de départ d’un pont au dessus de la Méditerranée entre Haouaria (Tunisie) et la Sicile (Italie) à l’architecte allemand Herman Sörgel, qui proposé son projet Atlantropa comme solution radicale aux problèmes de chômage et de surpopulation.

Par Moncef Kamoun *

Herman Sörgel, qui a été témoin de la première guerre mondiale, de la crise économique et politique des années 1920 et de la montée du nazisme, a élaboré ce projet Atlantropa, qui consiste à construire des barrages dotés d’immenses centrales hydroélectriques sur les détroits de Gibraltar et des Dardanelles et entre la Tunisie et la Sicile.

Le projet peut sembler au départ délirant, mais il a été pris au sérieux par des ingénieurs, des architectes et certains politiciens.

L’émigration : un phénomène enraciné à la nature humaine

L’émigration a existé de tout temps et l’histoire est ponctuée de mouvements de peuples qui partaient pour découvrir et peupler de nouveaux mondes. Qui ne connaît pas l’exode des Juifs vers la terre promise, l’épopée des Celtes qui traversent l’Europe d’Est en Ouest et en Espagne et même en Afrique du Nord ou, plus proche de nous, l’émigration des Européens en Amérique du Nord et du Sud ?

Si, aujourd’hui, l’Italie fait rêver bien des jeunes tunisiens victimes du chômage, à la fin du 19e et au début du 20e siècles, de nombreux Siciliens, Sardes, Napolitains et Maltais, poussés par la misère et le manque de travail, quittèrent leur Italie natale pour venir chercher un meilleur sort en Tunisie, où les opportunités de travail étaient nombreuses comme maçons, artisans, pêcheurs ou même manutentionnaires. Ils travaillaient dur et vivaient modestement et beaucoup d’entre eux se sont mélangés aux populations arabo-musulmanes locales et ont fait souche.

Le projet Atlantropa de Herman Sörgel.

Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes, de femmes et même d’enfants quittent leur pays d’origine dans l’espoir de trouver ailleurs de meilleures conditions de vie, d’autant que la mobilité croissante à l’échelle mondiale permet aux personnes de se rendre dans les pays les plus lointains voire sur d’autres continents.

Soucieux de défendre les intérêts de leurs populations autochtones, la majorité des Etats adoptent des dispositions restrictives de l’immigration, tout en reconnaissant leur devoir d’accorder protection et asile aux personnes menacées, mais aucun pays n’est à même de faire face à l’afflux massif de populations étrangères.

Méditerranée : le plus grand cimetière de migrants au monde

Aujourd’hui, la misère, le chômage et les persécutions religieuses, politiques et ethniques poussent des centaines de milliers de personnes à l’exode. Chaque jour, des flux migratoires importants vers l’Europe proviennent de pays en guerre ou aux prises avec l’instabilité politique, comme le Soudan, l’Erythrée, la Syrie, le Mali, le nord du Nigéria, la Libye, ou même des pays qui vivent des difficultés socio-économiques comme le Niger et la Tunisie.

Ainsi, 280.000 personnes sont entrées illégalement dans l’Union européenne (UE) en 2014, 365.000 personnes ont fait de même au cours des 8 premiers mois de l’année 2015, et ce chiffre connaît une augmentation exponentielle.

Aujourd’hui, même avec le renforcement des moyens de surveillance maritimes de l’Europe, et l’apport d’une dizaine d’Ong avec autant de navires, sans compter les bâtiments militaires, le problème reste entier. En effet, des milliers de réfugiés risquent leur vie en Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Aucun moyen n’a prouvé son efficacité pour faire face à l’afflux de migrants qui quittent chaque jour l’Afrique et le Moyen-Orient en quête d’Europe.

Selon la marine italienne, la seule opération «Mare Nostrum» a secouru 150.000 réfugiés entre octobre 2013 et octobre 2014. Cette opération militaro-humanitaire lancée par l’Italie pour surveiller la Méditerranée a aussi permis d’arrêter 351 passeurs.

Par ailleurs, plus de 75% des migrants morts pendant la traversée ont péri en Méditerranée. Des milliers de corps continuent de s’abîmer contre les côtes européennes, avec déjà plus de 3.700 pour la seule année 2015 et 3.800 en 2016.

Selon les estimations de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 22.000 migrants seraient morts en tentant de gagner l’Europe depuis l’an 2000, principalement en traversant la Méditerranée.

L’enfant syrien Aylan Kurdi dont la mort a ému l’humanité entière.

Un véritable atteinte à nos valeurs

Il est bien clair aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’empêcher les migrants de traverser la Méditerranée mais plutôt de traiter le problème à la racine, par une action globale puissante et dans la durée, sinon il ne fera que s’aggraver.

Face à ce défi humain, de nombreuses initiatives ont été lancées partout en Europe afin de réduire le nombre de victimes de la migration clandestine, dont celle d’une association autrichienne, Center of Political Beauty, qui œuvre à rétablir la beauté morale et la grandeur humaine et considère le rejet des réfugiés comme une lâcheté humaine.

Cette association a repris l’idée de Herman Sörgel pour la développer, et repris le projet de pont de 150 kilomètres au-dessus de la Méditerranée, reliant l’Afrique et l’Europe, et plus précisément la ville tunisienne de Haouaria et celle d’Agrigente, en Sicile.

Ce projet sera composé de quatre tronçons de 30 kilomètres chacun, dont un souterrain, sous forme de tunnel sous la mer, et trois reliant des îles artificielles. Cet ouvrage permettrait aux réfugiés et migrants des pays du sud de passer, en toute sécurité, sur la rive nord de la Méditerranée.

Christian Konrad, coordinateur de l’aide aux réfugiés, considère que la diplomatie n’a pas réussi à régler le problème migratoire et qu’il est temps d’essayer la technologie.

Autrichien lui aussi, M. Konrad soutient le projet du pont afin de mettre un terme à ces milliers de noyades considérant que l’aide aux réfugiés est une action gagnant-gagnant.

D’où le lancement du projet TUNeIT qui propose l’étude de la construction du pont auquel ont adhéré les écoles d’architecture et d’ingénieurs de la Tunisie et de l’Italie, ce qui renforce davantage la culture d’échange et de partenariat entre professionnels, académiciens et étudiants des deux rives de la Méditerranée.

Un concours d’idées a ainsi été lancé, le 19 septembre 2017, pour la conception d’une île artificielle aux larges d’El Haouaria avec ses trois lots, architecture, génie civil et énergie renouvelable.

En attendant la réalisation de ce pont, un millier de plateformes de secours devraient être disséminées dans la mer, parallèlement aux travaux de construction du pont. C’est la raison pour laquelle le Centre pour la beauté politique a lancé une campagne de financement pour permettre l’installation de ces plateformes baptisée Aylan 1, de l’enfant syrien mort en traversant la Méditerranée et dont la photo avait fait le tour du monde.

Le Center of Political Beauty souhaite obtenir pour le financement un soutien du Nobel de la Paix en 2012, à savoir l’Union européenne.

Le coût estimé de l’ouvrage est 230 milliards d’euros, ce qui nécessiterait un consensus de tous les pays d’Europe.

* MK Architecte.

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