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Le poème du dimanche: ‘‘Maison de fous’’ d’Ernst Stadler

Le poème ‘‘Maison de fous’’, d’une humanité singulière, est tiré du recueil du poète allemand Ernst Stadler ‘‘Der Aufbruch’’, décédé à 31 ans, tué par un obus anglais, en 1914, au début de la première guerre mondiale.

Ernst Stadler est né à Colmar le 11 août 1883, treizième année du rattachement de l’Alsace à l’Empire allemand. Ses parents étaient tous deux d’origine bavaroise. En 1895, la famille déménage à Strasbourg. Ernst Stadler y fait ses études secondaires au lycée protestant. En 1902, il entre à l’Université à la fois en philologie romane, en linguistique comparée et en langue et littérature allemandes. Il préparera une thèse à l’Université d’Oxford.

Durant sa courte vie, seulement 31 années, il vécut en Allemagne, en Angleterre et en Belgique et écrira deux recueils de poésies ‘‘Der Aufbruch’’ et ‘‘Le Départ’’. Il a également traduit les poèmes de Charles Péguy en allemand.

Stadler fut mobilisé lors de la première guerre mondiale. Il combattit en Champagne et lors de sa mobilisation, il reconnut à distance de campements Charles Péguy et lui adressa un mot que le poète français, après des heures d’effort, ne parvint pas à déchiffrer. Il lui répondit : «Cher ami, je ne vous comprends pas mais je vous aime». Le 5 septembre à Villeroy, Charles Péguy tomba d’une balle dans la tête alors qu’il menait sa section à l’assaut.

Ernst Stadler trouva la mort quelques jours plus tard, le 30 octobre 1914, à Ypres en Belgique, tué par un obus anglais. Emmanuel Macron rappellera cette histoire lors de son discours devant le Bundestag le 18 novembre dernier lors de la célébration du centenaire de la fin de la première guerre.

Ici est de la vie qui ne sait plus rien d’elle –
La conscience enfoncée mille toises dans le tout.
Ici dans des salles nues résonne le choral du rien.
Ici l’assoupissement, le refuge, le retour à la maison, la chambre d’enfant.
Ici rien d’humain ne menace. Les yeux fixes
Qui, effarés et tendus, pendent dans le vide
Tremblent seulement des terreurs qu’ils ont fuies.
Pourtant quelque chose de terrestre colle encore à ces corps défectueux.
Ils ne veulent pas lâcher le jour qui disparaît.
Ils se jettent dans des convulsions, poussent des cris aigus dans les bains
Et se blottissent gémissants et abattus dans les coins.
Mais à beaucoup le ciel est ouvert.
Ils entendent les voix mortes de toutes choses les entourer
Et la flottante musique du tout.
Ils prononcent souvent des paroles étrangères qu’on ne comprend pas.
Ils sourient, calmes et amicaux, comme font les enfants.
Dans les yeux dérobés aux regards qui ne conservent
rien de corporel, demeure le bonheur.

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