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Aux origines de Fochville, l’ancêtre de la ville de Ben Arous

Le conseil municipal de Ben Arous serait bien inspiré de ressusciter le passé de cette commune, jadis appelée Fochville et qui fut créée dans le sillage du développement du chemin de fer en Tunisie. Des vestiges de ce passé sont encore là pour témoigner de ce passé…

Par Kamel Eddine Ben Henia *

Longtemps considérée comme une banlieue sud de la capitale Tunis, la commune de Ben Arous est devenue le chef lieu du gouvernorat portant son nom. C’est un pôle industriel, qui s’agrandit au fil des ans, à un point tel que, partant de sa colline où fut crée après la première guerre mondiale (1914-18), un regroupement d’habitations de cheminots, baptisé Fochville, en hommage au Maréchal Foch, sur la route de Mornag, près des ateliers de la Compagnie fermière des chemins de fer français, et peuplée exclusivement de cheminots de diverses nationalités, mais à majorité française.

C’était en 1920. Fochville s’est par la force des choses intégré au petit village «indigène» de Ben Arous, comme se plaisent à le signaler les historiens, pour devenir Ben Arous, une commune de quatre circonscriptions, avec une population atteignant les 90.000 habitants, et traversée par une voie ferrée pour laquelle elle fut créée.

Une ville construite autour d’un chemin de fer

Ben Arous a aussi une histoire, qui est négligée, en l’absence d’un intérêt particulier qui pourrait ramener ceux qui y ont habité, et renvoyer les générations actuelles vers un passé dont les vestiges encore existants rappellent le passage d’une civilisation qui disparaîtra certainement de toutes les mémoires, si rien n’est entrepris pour la mettre en évidence et l’entretenir rien que pour la mémoire.

Ce qui reste du cimetière chrétien de Fochville. 

Il faut essayer de faire revivre un héritage de civilisation, pas trop ancienne, mais pas trop récente non plus, car il faut tenter de ramener au présent les vestiges du passé, pour valoriser encore plus l’évolution de cette commune, qui est une des rares à avoir connu une transition de civilisation qui fait que certains vestiges sont toujours là pour nous rappeler que Ben Arous fut jadis Fochville, un ouvrage colonial français, qui a fait naître chez certains un sentiment d’appartenance légitime, perceptible à travers les pages facebook des anciens Français, qui, pour s’identifier et réclamer une origine, se présentent volontiers comme originaires de Ben Arous.

C’est ainsi que, chaque année, de nombreux anciens Fochvillois organisent des sortes de pèlerinage, avec leurs descendants, par devoir de mémoire peut-être, mais surtout pour leur faire revivre une époque qu’ils considèrent comme marquant leurs origines. C’est, en quelque sorte, un retour aux sources. C’est le souvenir d’une enfance qui s’est trouvée, par la force des choses, unie à une autre civilisation, qu’elle soit nationale ou coloniale, civile et spontanée, et qui a marqué des générations de tous bords, et il serait dommage de rater l’occasion de faire revivre toute cette période aux jeunes générations, dans le cadre de la préservation d’une histoire commune.

Restaurer et préserver les vestiges qui subsistent

Des constructions et des monuments constituent encore aujourd’hui les vestiges de Fochville. Par leur sauvegarde et leur restauration, on réalisera un saut dans le passé, que nous actualiserons pour demeurer en contact permanent avec notre histoire.

Il convient d’accorder une attention particulière à cette action qu’il faudrait inscrire dans la perspective de la préservation de notre patrimoine culturel local, qui s’adressera aux générations futures, pour leur rappeler que Ben Arous a bien une histoire, qui a commencé avec Fochville et sa voie ferrée.

C’est une initiative à prendre dans le cadre des dispositions du code du patrimoine archéologique, historique et des arts traditionnels.

Il faut s’efforcer de sauvegarder ce qui subsiste comme vestiges à Ben Arous, tels que le cimetière chrétien, l’ancienne église et le bâtiment de la vieille gare ferroviaire, en n’oubliant pas les quelques vieilles bâtisses, habitées ou abandonnées.

Les vestiges témoignent du travail des Fochvillois. 

Il y a aussi ce qu’on désigne par «les biens des étrangers» encore propriétés de leurs premiers habitants de diverses nationalités, dans le cadre d’un accord franco-tunisien, qu’il aurait mieux valu soit restaurer, s’il s’agit de logements faisant partie de la convention bilatérale entre la Tunisie et la France de 1989, et gérés par la Société nationale immobilière de Tunisie (SNIT), soit nationaliser, à l’instar des terres agricole en 1962 et de ce fait permettre à la municipalité de les inclure dans le tissu urbain et débarrasser ainsi la ville de ces ruines devenues de vraies menaces vu leurs délabrement, soit sommer leurs propriétaires de se mettre en règle vis-à-vis des lois tunisiennes, car on ne peut pas invoquer la notion de sauvegarde du patrimoine si on ne fait rien pour le sauvegarder.

Il faut espérer l’institution de nouvelles valeurs culturelles où s’entrecroiseront les traditions et les croyances, dans un esprit de diversité et de rapprochement entre les pionniers et les habitants actuels.

Pour Ben Arous, ce sera un pas de plus vers le renforcement de l’effort culturel et historique, qui, outre les valeurs qu’il générera, marquera la genèse d’une nouvelle dimension, qui associera la mémoire à l’action de développement économique d’une commune, qui évoluera vers une destination touristique, facteur de croissance et de création d’emplois.

Créer un circuit touristique et de mémoire

La municipalité a le devoir de sauvegarder ce qui reste de notre histoire, en aidant les volontaires, et ils sont nombreux et disponibles, à mettre en œuvre un vrai plan d’action qui aura un impact certain sur la vie de la commune. Il s’agit, on l’a compris, de créer un musée d’histoire à travers les bâtisses qui subsistent et de créer un circuit touristique nouveau, enrichissant et rémunérateur. On rappellera aux habitants que leur premier conseil municipal fut installé en 1952, comprenant, entre autres conseillers, trois tunisiens, décédés certes, mais bien connus dans la région, alors qu’on ignore leur notoriété.

Dans les pays développés, d’un rien, on crée un produit culturel et touristique, on restaure parfois un simple mur en ruine, rien que pour le lier à l’histoire d’une région, d’un événement. On sait considérer le souvenir et puiser dans l’histoire pour transmettre aux générations futures la valeur de la mémoire.

* Retraité.

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