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Bloc-notes : Alerte au terrorisme mental, religieux et profane, en Tunisie!

La politique tunisienne, en cette année décisive, verse déjà dans une pratique qui relève d’un dogmatisme outrancier confinant au terrorisme mental, comme le démontrent les emblématiques causes de l’admission de l’égalité successorale et de l’homosexualité.

Par Farhat Othman *

De plus en plus crispée en cette antépénultième période de campagne électorale, l’actualité politique s’est focalisée sur ce qui bloque actuellement le processus démocratique en Tunisie : le rapport à la religion. On est encore loin d’une vision qui soit sereine et d’une lecture paisible de la foi musulmane, cette culture plus que culte en Tunisie, qui a pourtant tous les ingrédients nécessaires pour unir, au lieu de désunir, tout son peuple autour des valeurs humanistes dont se nourrit son âme hédoniste et libertaire. Ce que l’histoire atteste depuis la nuit des temps.

Dogmatisme terroriste religieux

Une telle crispation est ce qui a amené le trublion des idées dogmatiques d’Ennahdha, Lotfi Zitoun, à menacer de quitter le parti bien qu’il y soit le plus proche conseiller de son président, Rached Ghannouchi, sinon sa voix officieuse.

En effet, il dénonce l’hypocrisie des siens qui ne veulent pas confirmer par des actes la nécessaire distance qu’ils prétendent avoir prise avec la religion et son instrumentalisation par une lecture toujours intégriste, violant de plus en plus la facture tolérante et paisible de l’islam tunisien.

De cet intégrisme qui n’est plus occulte, on a eu un éloquent échantillon avec l’attitude du parti à l’égard de la fondamentale réforme sur l’égalité successorale. On feint ainsi de la refuser non seulement au nom déjà d’une religion qu’on caricature et qu’on viole dans ses visées essentielles (ici la parfaite égalité entre les croyants nonobstant leur sexe), mais aussi par du terrorisme mental qui vient au secours des terroristes physiques.

C’est ce qu’a osé faire, par exemple, un ancien chef de gouvernement, Ali Larayedh, excipant le prétexte de la menace terroriste en soutenant que la reforme est à rejeter étant de nature à provoquer ce terrorisme. Depuis quand donc le pouvoir institué doit-il veiller à se retenir de ne pas bousculer les bandits qui agissent pour le détruire? N’est-ce pas, pour lui, une obligation de le contrer par tous les moyens de la répression légale, l’empêchant d’agir contre les droits et les libertés du peuple?

La politique la meilleure, étant la plus efficace pour l’emporter sur le terrorisme, est bel et bien de le provoquer au niveau du cœur de cible de son action, à savoir justement un tel domaine essentiel de l’humanisme démocratique qu’il nie et qu’il combat. À moins de le rejoindre, consciemment ou inconsciemment, dans son dogmatisme terroriste en pratiquant ce qui relève assurément d’un terrorisme mental! Ce qu’on n’osera penser.

Dogmatisme terroriste profane

Ce qui est à déplorer, c’est qu’un tel terrorisme semble être devenu une sorte de sport national, puisqu’on le retrouve aussi chez des milieux supposés être des défenseurs des droits humains, tels ces militants contre l’homophobie qui font montre d’un dogmatisme excessif par laïcisme, versant allègrement dans l’islamophobie, alors qu’ils sont censés lutter contre toutes les phobies.

En effet, l’actualité en Tunisie a été suscitée également par cette provocation gratuite du chargé du contentieux de l’État qui s’est opportunément réveillé à la veille des élections pour faire appel, des années après, d’un jugement du premier degré confirmant le droit à exister et à agir de l’association Shams luttant pour les droits des gays, et ce suite à une première tentative du gouvernement de l’interdire.

L’appel du gouvernement ressort les inepties habituelles sur la supposée homophobie de l’islam — alors qu’on a assez démontré la fausseté de cette assertion —, et sur la violation des traditions des Tunisiens qui n’ont, à la vérité, jamais rejeté ce sexe naturel, le pratiquant même en cachette de peur des lois dans le cadre de leur bisexualité avérée.

Or, les militants refusent de se placer sur ce terrain, se retenant de répondre du tac au tac en rappelant les vérités bafouées précitées, tout en y ajoutant que la pratique homosexuelle n’a rien de contraire aux bonnes mœurs.

Bien à tort, ils s’obstinent à ne pas user de la seule arme efficace en la matière, la preuve déjà faite que l’homosexualité n’est pas interdite en islam, préférant développer un discours déconnecté des réalités du pays et qui ne se réfère qu’à des principes certes valides, mais en violation de la constitution même puisqu’elle exige le respect de l’islam. Ce qui suppose impérativement de se situer sur le plan religieux pour contester utilement la fausse analyse du gouvernement au niveau à la fois religieux et légal.

Un tel laïcisme dessert pourtant leur cause, ne servant que les religieux dont ils adoptent ainsi la conception erronée de l’islam homophobe. Ce qui nous donne une complicité objective entre deux dogmatismes aveugles, l’un religieux et l’autre profane, développant une même cécité à l’égard des vraies valeurs de l’islam. Car cette religion, dont la constitution impose le respect des valeurs, est et doit être une justice pour tous, la foi des droits et des libertés de croyant tous égaux, que cela soit pour l’héritage ou pour le sexe, quel qu’il soit, hétéro, homo ou bi.

* Ancien diplomate et écrivain.

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