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Difficultés de financement des PME : L’intermédiation pointée du doigt

Le non-accès des petites et moyennes entreprises (PME) à des financements appropriés est parmi les obstacles qui entravent l’investissement en Tunisie. Pourtant, l’Etat met à leur disposition, pratiquement à l’occasion de chaque nouvelle loi de finances, d’importantes lignes budgétaires et des lignes de crédits fournies par des partenaires étrangers.

Par Khémaies Krimi

Malheureusement, à défaut de communication, d’information et de sensibilisation des éventuels bénéficiaires, particulièrement dans les régions de l’intérieur, ces lignes de financement, gérées par des banques et d’autres intermédiaires financiers, sont insuffisamment utilisées. Et lorsqu’elles sont utilisées, elles ne profitent qu’à des clients alertés par des gens avertis, le plus souvent des experts comptables ou des informateurs travaillant avec les banques.

Une loi pour corriger le clientélisme de l’intermédiation

Généralement, l’intermédiation financière se contente de percevoir la commission sur ces lignes de financement sans trop se préoccuper de leur mobilisation au service de l’investissement dans des projets de développement.

Pis, les structures publiques d’appui à l’investissement (APII, commissariats au développement agricoles, chambres de commerce…) et leurs représentations régionales ne communiquent pas également assez sur ces sources de financement et ont tendance à gérer ces fonds comme un magot dont seules leurs proches connaissances peuvent en bénéficier.

Le résultat est, hélas, décourageant. Le plus souvent, ces apports financiers providentiels ne sont presque jamais exploités en totalité, alors que les patrons de PME continuent de se plaindre, en toutes circonstances, des difficultés d’accès au financement.

Conscients de ce dysfonctionnement très handicapant pour l’économie nationale, sachant que les PME représentent plus de 90% du tissu économique national, le gouvernement vient de promulguer, en avril 2019, la nouvelle loi transversale sur l’investissement dont les textes d’application sont publiés, en juin dernier. L’objectif étant bien évidemment de remédier à ce dysfonctionnement.

Selon l’artisan de cette législation, Kamel Ayari, conseiller juridique au ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, la nouvelle loi se propose «de conférer à l’ensemble des textes régissant, jusqu’ici, l’investissement (24 lois) plus de pragmatisme, plus d’applicabilité, plus d’accessibilité et plus d’efficacité».

M. Ayari, qui s’exprimait récemment, à Tunis, lors d’un séminaire organisé par la Bourse de Tunis en vue de vulgariser cette loi horizontale (17 juillet 2019), a ajouté que l’ultime objectif de cette loi est d’améliorer l’environnement des affaires dans le pays et d’y relancer l’investissement sur la base de la transparence et de l’équité.

La désintermédiation, un programme politique

D’ailleurs, la problématique de l’intermédiation financière est devenue un enjeu politique. Un parti comme Afek Tounès, de tendance socio-libérale et proche du milieu des affaires, vient de se saisir de cette défaillance en matière de gestion des aides financières de l’Etat pour faire de «la désintermédiation» un volet déterminant de sa campagne pour les prochaines législatives.

Dans une récente interview accordée à un magazine de la place, Yassine Brahim, président de ce parti, a estimé qu’«il y a énormément de corruption par l’effet de la prolifération des aides que l’Etat accorde». «L’Etat tunisien, dit-il, fait énormément de transferts sociaux (…) et donne beaucoup d’aides mal gérées, souvent, par des intermédiaires».

En conséquence, son parti propose, dans son programme électoral, ce qu’il appelle «la désintermédiation par le digital». L’enjeu, on l’aura compris serait de garantir la traçabilité.

«Nous pensons à Afek Tounès qu’avec ce que donne déjà l’Etat, on peut énormément améliorer les transferts sociaux et faire bouger cette économie. Et ce n’est pas compliqué. On reste un petit pays capable de faire nettement mieux», a encore fait remarquer M. Brahim.

Il faut reconnaître, à ce propos, que la Banque centrale de Tunisie (BCT) fait de son mieux pour mieux faire connaître les lignes de financement extérieur en faveur des PME tunisiennes.

À titre indicatif, on relève, actuellement, sur son site officiel, trois lignes encore disponibles : une ligne de 155 millions de dollars, fournie par le Programme de financement du commerce arabe depuis le 24 janvier 2019, une ligne de crédit italienne de 73 millions d’euros accordée depuis 2013 et une ligne de crédit espagnole de 25 millions d’euros accordée depuis le 7 août 2019.

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