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Présidentielle anticipée : Abdelkarim Zbidi serait-il un putschiste en puissance ?

Abdelkarim Zbidi a fait une révélation pour le moins bizarre voire inquiétante de la part d’un ministre de la Défense en poste, qui plus est, candidat à la présidentielle du 15 septembre 2019 : il allait assiéger l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) avec des chars blindés. Pas moins ?

Par Ridha Kéfi

Cela s’est passé, selon lui, au lendemain du «Jeudi noir», le 27 juin dernier, lors de la première hospitalisation du défunt président Béji Caïd Essebsi à l’hôpital militaire de Tunis.

A l’époque, souvenons-nous, des parlementaires se sont inquiétés d’une possible vacance du pouvoir, d’autant que le même jour, Tunis a été le théâtre de deux attentats suicide, et ont demandé au président de l’Assemblée de s’assurer de l’état de santé du président. Ce qui est dans leur rôle, mais cette discussion a été qualifiée, par les partis proches du défunt président, de «tentative de coup d’Etat». Ce qui est pour le moins exagéré voire stupide. Car un coup d’Etat, un vrai, ne saurait avoir lieu sans… l’intervention d’une armée. Or, ces députés n’ont aucun pouvoir sur les hommes en uniforme.

Des chars devant les deux entrées de l’Assemblée ?

Cependant, reprenant cette thèse farfelue dans son entretien télévisée d’hier soir, mardi 3 septembre, sur Hannibal TV, le ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, a affirmé – avec une rare ingénuité de la part d’un si haut responsable de l’Etat et sans mesurer la grave teneur de ses déclarations – que le lendemain des faits, le 28 juin, il a failli placer des chars devant les deux entrées de l’Assemblée pour empêcher ce qu’il a qualifié de «coup d’Etat contre la légitimité», oubliant, au passage, que la légitimité est surtout incarnée, selon la Constitution, par l’Assemblée.

M. Zbidi a ajouté, sans ciller, qu’il allait aussi déployer l’armée dans les endroits les plus névralgiques sur tout le territoire national. Certes, il ne l’a pas fait, mais, si ce qu’il a dit est vrai, on est autorisé à s’interroger sur la capacité de cet homme à gérer un pays et même sur ses capacités intellectuelles. Car les actions qu’il allait commettre, de son propre aveu, dans un moment grave traversé par le pays, suite à la maladie du président de la république, ressemblent à s’y méprendre à… un coup d’Etat militaire. En est-il, au moins, conscient ?

L’ivresse du pouvoir conjuguée à l’inconscience politique

Non, mais, on rêve : cet homme a-t-il cru, dans un moment d’ivresse du pouvoir, pouvoir se transformer en Abdelfattah Sissi ou en Boris Eltsine, qui avait, lui, bombardé l’Assemblée?

Certes, on doute fort que le chef d’état-major de l’armée de terre ait accepté de suivre M. Zbidi dans sa stupide aventure. Car, connaissant la loyauté de l’armée tunisienne, républicaine par excellence, et son refus d’être impliquée dans les affaires politiques – elle a d’ailleurs refusé de prendre le pouvoir au lendemain de la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier 2011, alors que le pouvoir était jeté par terre et il suffisait de le ramasser et que beaucoup de haut dirigeants politiques l’exhortait à prendre les rênes du pays – on peut imaginer que les hauts officiers auraient tout fait pour raisonner M. Zbidi et lui faire comprendre, lui qui dirige le ministère de la Défense depuis plusieurs années sans connaître vraiment l’armée dont il a la charge, que cette armée-là ne peut se permettre de commettre une telle erreur, mortelle et aux conséquences incalculables, sans nuire gravement à son image, détruire son passé et perdre toute sa crédibilité aux yeux des Tunisiens.

Pis encore : M. Zbidi a déclaré avoir averti le chef du gouvernement Youssef Chahed de l’option qu’il a prise, ajoutant que ce dernier lui a donné son accord. Ainsi impliqué dans une aventure militaire (il faut appeler les choses par leur nom), M. Chahed nous doit des éclaircissements sur cette affaire.

Après de telles déclarations, le parquet militaire serait bien inspiré d’ouvrir une enquête pour vérifier le bien-fondé des «aveux» télévisés de M. Zbidi. Car on peut imaginer qu’il est sous l’influence de quelques parties intéressées par l’implication de l’armée dans des affaires politiques. Ces conseillers de l’ombre, qui lui ont soufflé de dire ce qu’il a dit hier soir, sont encore plus dangereux que lui.

 

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