Accueil » Le poème du dimanche: ‘‘Voix intérieure’’ d’Anna de Noailles

Le poème du dimanche: ‘‘Voix intérieure’’ d’Anna de Noailles

Ce poème de la poétesse française d’origine roumaine Anna de Noailles (1876-1933) est tiré de son recueil ‘‘Le cœur innombrable’’ paru en 1901.

Anna de Noailles, née Anna Bibesco Bassaraba de Brancovan, est issue d’une famille boyards roumains. Les boyards sont la noblesse des pays orthodoxes non grecs: Russie, Moldavie, Valachie, Transylvanie. Elle est la fille du prince Grégoire Bibesco Bassaraba de Brancovan exilé à Paris et de la princesse Zoé née Raluca Moussouros, pianiste grecque née à Constantinople.

Née à Paris, Anna reçut une éducation axée sur les langues, elle apprit le français, l’anglais et l’allemand. À 19 ans, elle épouse Mathieu de Noailles, issu d’une prestigieuse famille de la noblesse française. Au début du XXe siècle, son salon de l’avenue Hoche attire l’élite intellectuelle, littéraire et artistique de l’époque parmi lesquels Edmond Rostand, Francis Jammes, Paul Claudel, Colette, André Gide, Maurice Barrès, René Benjamin, Frédéric Mistral, Robert de Montesquiou, Paul Valéry, Jean Cocteau, Léon Daudet, Pierre Loti, ou encore Max Jacob et François Mauriac. C’est également une amie de Georges Clemenceau. André Gide dira d’elle: «Il faudrait beaucoup se raidir pour ne pas tomber sous le charme de cette extraordinaire poétesse au cerveau bouillant et au sang froid.»

Anna de Noailles fut la première femme commandeur de la Légion d’honneur. Son œuvre est composée de quatorze recueils poétiques, elle écrira aussi des romans. Le romantisme, les états d’âme, l’amour et la nature sont les thèmes autour desquels s’est articulée sa poésie.

* * *

Mon âme, quels ennuis vous donnent de l’humeur ?
Le vivre vous chagrine et le mourir vous fâche.
Pourtant, vous n’aurez point au monde d’autre tâche
Que d’être objet qui vit, qui jouit et qui meurt.

Mon âme, aimez la vie, auguste, âpre ou futile,
Aimez tout le labeur et tout l’effort humains,
Que la vérité soit, vivace entre vos mains,
Une lampe toujours par vos soins pleine d’huile.

Aimez l’oiseau, la fleur, l’odeur de la forêt,
Le gai bourdonnement de la cité qui chante,
Le plaisir de n’avoir pas de haine méchante,
Pas de malicieux et ténébreux secret,

Aimez la mort aussi, votre bonne patronne,
Par qui votre désir de toutes choses croît
Et, comme un beau jardin qui s’éveille du froid,
Remonte dans l’azur, reverdit et fleuronne ;

— L’hospitalière mort aux genoux reposants
Dans la douceur desquels notre néant se pâme,
Et qui vous bercera d’un geste, ma chère âme,
Inconcevablement éternel et plaisant…

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!