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Le poème du dimanche : ‘‘L’autre président’’ de Victor Hugo

Les Tunisiens et les Tunisiennes vont de nouveau aux urnes aujourd’hui, dimanche 13 octobre 2019, pour choisir leur président de la république pour les 5 prochaines années. À cette occasion nous offrons notre rubrique à un géant de la poésie mondiale, Victor Hugo (1802-1885), et publions son poème ‘‘L’autre président’’, extrait de son recueil ‘‘Les châtiments’’, publié en 1853.

I

Donc, vieux partis, voilà votre homme consulaire !
Aux jours sereins, quand rien ne nous vient assiéger,
Dogue aboyant, dragon farouche, hydre en colère ;
Taupe aux jours du danger !

Pour le mettre à leur tête, en nos temps que visite
La tempête, brisant le cèdre et le sapin,
Ils prirent le plus lâche, et, n’ayant pas Thersite,
Ils choisirent Dupin.

Tandis que ton bras fort pioche, laboure et bêche,
Ils te trahissaient, peuple, ouvrier souverain ;
Ces hommes opposaient le président Bobèche
Au président Mandrin.

II.

Sa voix aigre sonnait comme une calebasse ;
Ses quolibets mordaient l’orateur au cœur chaud –
Ils avaient, insensés, mis l’âme la plus basse
Au faîte le plus haut ;

Si bien qu’un jour, ce fut un dénouement immonde,
Des soldats, sabre au poing, quittant leur noir chevet
Entrèrent dans ce temple auguste où, pour le monde,
L’aurore se levait !

Devant l’autel des lois qu’on renverse et qu’on brûle,
Honneur, devoir, criaient à cet homme : — Debout !
Dresse-toi, foudre en main, sur ta chaise curule ! —
Il plongea dans l’égout.

III.

Qu’il y reste à jamais ! qu’à jamais il y dorme !
Que ce vil souvenir soit à jamais détruit !
Qu’il se dissolve là ! qu’il y devienne informe,
Et pareil à la nuit !

Que, même en l’y cherchant, on le distingue à peine
Dans ce profond cloaque, affreux, morne, béant !
Et que tout ce qui rampe et tout ce qui se traîne
Se mêle à son néant !

Et que l’histoire un jour ne s’en rende plus compte,
Et dise en le voyant dans la fange étendu :
— On ne sait ce que c’est. C’est quelque vieille honte
Dont le nom s’est perdu ! —

IV.

Oh ! si ces âmes-là par l’enfer sont reçues,
S’il ne les chasse pas dans son amer orgueil,
Poètes qui, portant dans vos mains des massues,
Gardez ce sombre seuil,

N’est-ce pas ? dans ce gouffre où la justice habite,
Dont l’espérance fuit le flamboyant fronton,
Dites, toi, de Pathmos lugubre cénobite,
Toi Dante, toi Milton,

Toi, vieil Eschyle, ami des plaintives Electres,
Ce doit être une joie, ô vengeurs des vertus,
De faire souffleter les masques par les spectres,
Et Dupin par Brutus !

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