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Le poème du dimanche : ‘‘La terre parle’’ du tchèque Viktor Dik

Viktor Dyk fut poète, romancier, dramaturge, journaliste, polémiste, homme politique, né en 1877 et mort en 1931. Le poème ‘‘La terre parle’’, que nous publions ci-dessous, est tiré de son recueil ‘‘Fenêtre’’ paru en 1921.

La République Tchèque jadis partie intégrante de l’empire austro-hongrois est un pays d’intellectuels et d’écrivains parmi lesquels figure aujourd’hui Milan Kundera, un pays qui eu un président de la République écrivain en l’occurrence Vaclav Havel, figure de proue de la Révolution de Velours mais avant ce pays a connu d’illustres poètes à l’instar de F.-L. Čelakovský, Karel Hynek Mách, Karel Havlíček, Karel Jaromír Erben, Vítězslav Hálek, Jan Neruda, Adolf Heyduk, Svatopluk Čech, Josef Sládek, Julius Zeyer, Jaroslav Vrchlický, Josef Svatopluk Machar, Otakar Březina, Antonín Sova, Petr Bezruč, Vítězslav Nezval, Jaroslav Seifert ou encore Viktor Dyk que nous découvrons cette semaine.

Ce dernier est une des plus intéressantes physionomies de la littérature tchèque. Dès ses débuts, il se distinguait, parmi une génération qui affectait de se désintéresser de la politique, par un sentiment patriotique très aigu qui devait, plus tard faire de lui le poète de l’énergie et de la fierté nationale. Parmi ses recueils de poésies: ‘‘A porta inferi’’ (1897), ‘‘Force de la vie’’ (1898), ‘‘Vanités’’, ‘‘L’amie de sept brigands’’ (1906), ‘‘Giuseppe Moro’’ (1911), ‘‘Satires et sarcasmes’’ (1906), ‘‘Contes de mon village’’ (1910), ‘‘Campagnes perdues’’ (1914), ‘‘Pas lourds et légers’’ (1915), ‘‘Nuits de Chimère’’ (1917), ‘‘Ou bien… ’’ (1918), ‘‘Fenêtre’’ (1921), ‘‘La neuvième vague’’ (1930).

Je te fus une mère rude.
Je te faisais manger un pain dur.
Je ne dorlotais pas le bébé,
Je blessais l’homme.
Lorsque, pour la première fois, tu ouvris tes yeux ébahis,
un triste horizon s’étendait devant toi.
Je parlais d’un coup dont on m’a, jadis, frappé,
et que le temps ne m’a pas fait pardonner.

Une ombre lourde tombait sur nous deux.
Je fus une dure mère, toi, un fils dur.
Tu n’as pas levé ton bras pour me défendre,
Tu n’as pas pensé à moi avec amour.
Quand le vent grondait, quand le froid craquait
tu n’entendais pas ma voix.
Et cependant, je parlais, voyant ta peine,
Ta misère qui te poursuit éternellement.
Alors, ma bouche silencieuse a dit :
Prends ce qui t’appartient.

Je porte un lourd fardeau,
Est-ce la joie ou l’horreur qui vient ?
M’entends-tu aujourd’hui ?
Mère, je prie mon fils.
Défends-moi. Protège-moi. Écoute ta mère.
Défends-moi. Protège-moi : Que les maisons brûlent,
Qu’on piétine les champs, qu’on les détruise !
Demain, une semence nouvelle poindra.
Je te préparais ton partage, mon enfant.
Ton partage est préparé.
Protège-moi. Défends-moi. Tout dépend de toi :
Le navire peut sombrer, ou arriver à bon port.

Ne néglige pas mes paroles. Prends garde.
Ne vends pas ton partage pour un plat de lentilles.
Si tu m’abandonnes
je ne périrai pas.
Mais sais-tu
combien il surgira d’ombres ?
Combien de fois tes fils serreront les poings ?
Combien de fois tes fils te maudiront ?

Je ne périrai pas, je suis éternelle,
mais je vivrai dans un étonnement pénible :
Comment as-tu pu oublier ton partage ?
Comment as-tu pu oublier ? Comment as-tu pu trahir ?
Comment peut-on, à bon escient, commettre une lâcheté ?
Libre à toi de te trahir toi-même. Mais trahir ta descendance ?
Tant que tu respirais, comment as-tu pu te rendre ?
De quoi avais-tu peur ?
Qu’est-ce donc que la mort ?
La mort, cela veut dire, venir à moi.
Ta mère, la terre
ouvre ses bras : la pourrais-tu mépriser ?
Viens, tu verras combien le sein de la terre est doux
pour celui qui a fait ce qu’elle attend.
Moi ta mère, je te supplie : défends-moi, mon fils.
En avant, et fût-ce dur jusqu’à la mort :
Si tu m’abandonnes, je ne périrai pas.
Si tu m’abandonnes, tu périras.

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