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Abdelaziz Rassâa n’est plus ambassadeur à Paris depuis le 23 novembre!

Abdelaziz Rassaa reçu par l’ex-président François Hollande.

Avec la mentalité de l’omerta dans la communication et de l’impulsivité dans la prise de décision, qui caractérisent l’actuelle équipe présidentielle, le capital-confiance dont jouit encore le président Kaïs Saïed risque de s’effriter rapidement.

Par Imed Bahri

Le numéro du Journal officiel de la République tunisienne (Jort), lundi 30 décembre 2019, publiait le décret du président de la République en date du 23 décembre, qui annonçait que ce dernier mettait fin à la mission de l’ambassadeur de Tunisie en France et ce à compter du 23 novembre. Mais du 23 novembre au 30 décembre, rien n’a filtré. L’omerta.

De ce fait, les médias et l’opinion publique n’ont pu avoir cette information avec preuve (le décret publié dans le Jort) que plus d’un mois après le limogeage (fin de mission pour utiliser le terme juridique plus policé) de l’ambassadeur Abdelaziz Rassâa et du consul général Ali Chaalali. Bien que des bruits aient couru faisant état de ce limogeage, aucune preuve matérielle ne pouvait être formulée pour l’attester que le 30 décembre, date de la parution du décret dans le Jort.

Des procédés pernicieux dignes d’un régime dictatorial

Bien évidemment, ni la présidence de la République ni le ministère des Affaires étrangères n’avaient rien annoncé d’une quelconque décision de limogeage ni au mois de novembre ni au mois de décembre.

En revanche, cette omerta a cédé la place aux effets de manche quand les Affaires étrangères ont publié un communiqué annonçant l’ouverture d’une enquête sur ordre du président de la République en date du 21 décembre basée sur des rumeurs de soupçons de corruption à l’ambassade de Tunisie à Paris propagées sur Facebook. Donc pour le limogeage de l’ambassadeur, c’est l’omerta et pour l’enquête, on crie sur tous les toits.

Résultat des courses: l’opinion publique apprend l’ouverture de l’enquête sur les soupçons de corruption, le 21 décembre, et apprend le limogeage de l’ambassadeur le 30 décembre. Difficile de ne pas mettre un lien de causalité entre les deux faits. N’est-ce pas pernicieux comme procédé ?

Étonnant encore, non seulement les résultats de l’enquête n’ont pas été attendus mais pire, c’est avant même le début de l’enquête que l’ambassadeur a été limogé. Donc la question qui se pose et s’impose est la suivante : pourquoi ce dernier a-t-il été alors limogé? Pour quel motif? Surtout que M. Rassâa a bénéficié d’un maintien en poste pour une durée supplémentaire et que cette durée n’est pas encore arrivée à son terme. Et pourquoi ne pas avoir attendu le mouvement diplomatique et la nomination d’un successeur pour qu’il quitte son poste? Pourquoi cet empressent? Pourquoi cette brutalité surtout dans un poste à l’étranger aussi important et visible? Et pourquoi le camouflage, la dissimulation et l’omerta pendant cinq longues semaines, du 23 novembre au 30 décembre?

La Tunisie est boudée depuis l’entrée de Saïed au palais de Carthage

Tout le monde a remarqué que, depuis l’accession au pouvoir de M. Saïed, il y a plus de deux mois, la Tunisie est boudée. Presque plus de visites d’officiels étrangers à Tunis à part le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, le président du Conseil présidentiel Fayez Sarraj. Pour les visites présidentielles à Tunis, il n’y a eu que la très brève (et très controversée) visite du président turc Erdogan. Et dans l’autre sens, le président Saïed continue à isoler sa propre personne en s’immobilisant à Tunis et en n’entreprenant aucune visite à l’étranger. Et pour ne rien arranger, à cette léthargie diplomatique, l’ambassadeur tunisien dans la capitale avec laquelle nous avons le plus de relations est limogé brutalement. Et sans explication officielle. Ainsi, à l’isolement, on ajoute l’image de la brutalité et de l’impulsivité.

L’actuelle équipe présidentielle est-elle au courant que par sa méthode de communication basée sur l’omerta (elle ne communique rien, n’explique rien, ne rend aucun compte) elle créé des malentendus, des inimitiés et des tensions.

Egalement, les décisions impulsives et aucunement rationnelles comme celle de ce limogeage brutal, incompréhensible et inexpliqué, ne font que porter préjudice à l’image du président de la République.

Nous ne sommes plus dans une dictature et encore plus, nous sommes à l’ère des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu, où la veille médiatique et citoyenne est censée être permanente. Avec la mentalité de l’omerta dans la communication et de l’impulsivité dans la prise de décision, l’actuelle équipe présidentielle n’ira pas loin et le capital-confiance du chef de l’Etat s’effritera très rapidement.

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