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Ghannouchi à l’aune du Principe de Peter ou l’incompétence au pouvoir

Un incompétent sénile et gâteux trône à la tête d’une Tunisie presque déjà ruinée.

«Incompétent, macho, gâteux… à destituer, illico presto»! Voilà le ressenti de plusieurs propos tenus récemment, par d’illustres personnalités politiques, à l’égard du Cheikh Rached Ghannouchi (79 ans), qui cumule et contre toute attente, la présidence de son parti islamiste Ennahdha (depuis 51 ans) et celle de l’Assemblée, haut lieu du pouvoir législatif en Tunisie.

Par Dr Moktar Lamari *

Dans leurs mots et à leurs façons de décrire l’incompétence grandissante du cheikh Ghannouchi, les propos tenus vérifient le Principe de Peter!

Que dit le Principe de Peter? Quels enseignements en tirer pour Ghannouchi et pour les élites politiques d’une Tunisie ruinée économiquement ?

Le Principe de Peter

Laurence Johnston Peter (1919-1990) est un chercheur de l’ouest canadien (Vancouver), mondialement connu pour la pertinence de ses publications au sujet du management et dysfonctionnement des organisations hiérarchiques et pyramidales. Ses recherches démontrent que la carrière des décideurs et des élites politiques progresse dans la hiérarchie organisationnelle grâce à des promotions par palier, dans une cadence rythmée par les compétences, et ce jusqu’à atteindre un «plateau», où les nouvelles fonctions finissent par dévoiler le summum d’incompétence de ces élites. Le tout pour claironner les incompatibilités et les frictions liées aux nouvelles positions occupées.

Face aux incompétences ainsi dévoilées, Peter nous apprend que les élites politiques finissent par «trôner» inutilement dans des postes décisifs, faisant du surplace, multipliant les erreurs, et attirant les foudres de leurs communautés et collègues. Peter ajoute que face au blocage de promotion et des incompétences désormais visibles, ces élites s’entêtent et se crispent!

Et au lieu de se remettre en cause et de tirer leur révérence, ces élites incompétentes s’accrochent mordicus jusqu’à leur mise à l’écart forcée, justement suite à des protestations et contestations justifiables, mais exigeant du courage de la part de ceux et celles qui veulent les mettre en exergue.

En Tunisie, Bourguiba, Ben Ali… et même Caïd Essesbi ont payé cher leur méconnaissance du Principe de Peter! Une telle méconnaissance a aussi mis la Tunisie dans plusieurs périlleuses situations.

Exprimée de manière pragmatique, Laurence Peter formule sa théorie en deux principes et trois corollaires.

Principes:

P1 : les compétents sont promus systématiquement à un niveau hiérarchique supérieur.
P2 : les incompétents ne sont ni promus ni rétrogradés vers d’anciens postes.

Corollaires

C1 : la promotion fait que les compétents finissent par occuper des postes supérieurs qui dévoilent leurs incompétences et exhibent au grand jour leurs inaptitudes.
C2 : Sans alternance flexible et sans remise en cause, les organisations et partis politiques finissent par être dirigés par des incompétents, au sommet de leurs incompétences.
C3 : Plus ils sont incompétents, plus ils s’entêtent et s’accrochent à la vénalité de leurs privilèges et à leur statut hiérarchique dominateur, et plus grands sont les méfaits (politiques, économiques, sociales, etc.) pour leurs organisations… et pour leur pays.

Moussi, Jelassi, Ladhari, Mekki… sont témoins

Le Cheikh Rached Ghannouchi constitue une illustration parfaite du Principe de Peter. Et pour preuve, l’omerta entourant son incompétence, à la tête de son parti religieux et au sommet du pouvoir législatif en Tunisie, se fissure progressivement et les langues se diluent! Plusieurs élites et médias n’hésitent plus à dire tout haut ce que les Tunisiennes pensent tout bas!

Pas besoin de faire la totale, on se limite aux personnalités les plus connues et les plus commentées dans les réseaux sociaux durant les deux dernières semaines.

D’un côté, c’est l’un des plus importants dirigeants du parti Ennahdha, Abdelhamid Jelassi en personne (ayant passé 16 ans en prison et côtoyé Ghannouchi pendant 35 ans) qui expose sa déception, sortant de son devoir de réserve pour dévoiler en public (sur plusieurs médias) le jeu maléfique, les manigances dangereuses et l’incompétence grandissante de son chef de parti Rached Ghannouchi.

Jelassi décrit en des mots choisis la «sénilité» de Ghannouchi et son incompétence à assumer ses fonctions de manière lucide, honnête et intègre. Le qualifiant quasiment de calife d’une autre époque, entouré d’une cour («bilât»), d’un collège de fanatiques qui tirent les ficelles, qui siphonnent sans vergogne les dividendes du pouvoir… et qui considèrent l’État comme une prise de guerre, une prise de razzia, comme du temps de l’islam des temps anciens. Pour Ghannouchi, le pouvoir serait une fin en soi!

La lettre de démission de Jelassi (dans une dizaine de pages de révélations) en dit long sur les bévues de Ghannouchi, cet enseignant du secondaire… devenu l’«ayatollah» du pouvoir législatif en Tunisie. Jelassi se demande comment Ghannouchi a obtenu autant de pouvoir, malgré son incompétence et ses responsabilités directes dans la débâcle de l’économie tunisienne, entre 2012 et 2019.

D’un autre côté, et aux antipodes de Jelassi, c’est l’avocate Abir Moussi, députée et chef du seul parti bourguibien, qui monte au créneau en faisant circuler une pétition voulant destituer légalement Rached Ghannouchi, qu’elle qualifie de «terroriste», incompétent, et de fanatique des «Frères musulmans»… Elle s’insurge contre l’incompétence de Ghannouchi et ameute les députés pour le destituer de la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), neuf ans après la transition démocratique en Tunisie.

Mme Moussi, une femme battante, était la cible de presque 70 élus issus des trois partis religieux du Parlement tunisien. Certains l’ont traitée de «mécréante», et d’autres qualificatifs orduriers indignes de l’ARP. La raison : elle a osé critiquer le Cheikh Rached Ghannouchi, en plénière au parlement et sous la présidence du même Cheikh, qui au lieu de rappeler à l’ordre les députés en cause, acquiesce dans le silence, avec le sourire… avec plein de non-dits. Pour lui, les attaques et insultes d’une cinquantaine de députés islamistes, tous ensemble contre une seule femme, députée et courageuse était anodin et ne méritant aucun commentaire… ni condamnation.

Principe de Peter et les élites politiques

Allant au-delà des incidents et contestations dévoilant l’incapacité désormais patente du Cheikh Ghannouchi, les élus politiques et l’establishment partisan de la Tunisie contemporaine ne doivent plus tolérer l’incompétence dans les postes clefs de l’État et à la tête des institutions ayant un impact stratégique économique, social, monétaire… législatif ou exécutif.

L’histoire nous a montré que Bourguiba, Ben Ali, Kadhafi, Moubarak, Saddam Hussein, etc., se sont vainement accrochés au pouvoir, malgré leur incompétence, sénilité et incapacité en fin de parcours! Tous, ils ont fini mal, laissant un mauvais souvenir et malheureux héritage pour leur pays et concitoyens.

Ghannouchi est en passe d’imiter ces leaders ayant refusé de céder à temps le pouvoir. Voyant ses résultats et connivences avec des réseaux islamistes internationaux, Ghannouchi risque de faire encore plus de dégâts à la jeune démocratie tunisienne, surtout qu’il détient plein pouvoir sur les leviers législatifs de l’État tunisien et de l’ère de la transition démocratique.

Plusieurs révolutions et coups d’État, menés dans les pays arabo-musulmans (1960-2010), sont tombés dans le même piège que le Principe de Peter a décrit depuis les années 1940. Il faut dire que la culture arabo-musulmane continue de vénérer les personnes affaiblies par l’avancement de l’âge, pensant à tort que plus ils sont âgés, et plus ils sont compétents et efficaces en politique.

Le Principe de Peter contredit cette croyance et attire l’attention sur l’impératif de destituer, limoger… les élites ayant épuisé leur compétence…et ruiné leur capital de confiance.

Sans faire de l’«âgisme», l’âge médian des leaders actuels des démocraties occidentales est de seulement 52 ans (avec un minimum de 34 ans et d’un maximum de 69 ans). Ghannouchi (79 ans), à côté, n’est rien d’autre qu’une «donnée aberrante», un outlier dans le jargon des statisticiens.

En Tunisie, pour les fins de la transition démocratique, l’économie doit retrouver son prestige et doit servir comme indicateur de performance (ou d’échec) des leaders politiques et décideurs clefs, et à tous les niveaux de gouvernance (locale, régionale et nationale).

Le niveau de performance économique du pays doit servir de proxy pour quantifier la performance et la compétence des élites politiques qui gouvernent le pays.

* Universitaire au Canada.

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