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Covid-19 – Tunisie : le retour du virus du vandalisme

Attroupements en flagrante violation de la loi et des mesures contre la contagion.

Ces journées de soulèvement insurrectionnel contre l’autorité de la loi, incapable d’imposer le confinement dans un contexte de lutte contre la pandémie du coronavirus (Covid-2019), risquent de valoir leur pesant de sang et de larmes. En 439, Genseric avait pris Carthage. Aujourd’hui, les Vandales sont de retour.

Par Mounir Hanablia *

Le peuple tunisien a encore choisi; et une fois encore son choix n’a été ni celui de la sagesse, ni de la raison. Après à peine 10 jours, on ne dira pas de confinement, mais d’incitation à rester chez soi, avec couvre-feu souvent défié, et véritables restrictions à la circulation des biens et des personnes, un aperçu général de la situation fait état d’une manière certaine de l’irruption dans la rue sur tout le territoire du pays de milliers de citoyens soucieux de se ravitailler, et sans aucun égard pour les règles de distanciation sociale nécessaires pour combattre la propagation du virus. La raison?

Les gens seraient excédés de subir une situation de claustration qu’ils n’ont pas choisie, et ayant pour certains subi un véritable préjudice financier, pressés de reprendre leurs activités professionnelles, alors que leurs réserves en nourriture commençaient à s’épuiser.

Il est certain que, avec le départ du mauvais temps, le retour dans les quartiers des véhicules venus livrer fruits et légumes frais ainsi que celui de la viande fraîche sur les étals des bouchers ont été un puissant stimulant pour sortir, et en masse.

L’autorité de l’Etat durement malmenée

L’anomalie, c’est que, alors que les mesures précédemment citées contre la diffusion du virus ont été prolongées pour une quinzaine par le gouvernement, le retour de la foule dans les rues a une nouvelle fois pris l’allure d’un véritable défi lancé aux autorités publiques. Et naturellement ce défi s’est traduit par la violation des règles préventives imposées par la pandémie.

Afin d’expliquer, sinon de justifier, un mécontentement de plus en plus palpable, d’aucuns ont invoqué le dernier discours du Président de la République, relativement à la nécessité pour les hommes d’affaires en butte à des poursuites judiciaires de financer les mesures de protection et de soins de la population. Et il est vrai que, dans une période de difficultés économiques exacerbées par la pandémie du Covid-19, l’invocation, sanctifiée par l’importance de la fonction, de l’impunité dont beaucoup n’ont pas cessé de bénéficier, depuis le 14 janvier 2011, ne pouvait que verser de l’huile sur le feu du mécontentement qui couve.

La première règle d’un homme politique qui se respecte, à fortiori quand il s’agit d’un homme d’Etat, est en général de prendre garde aux conséquences de ses propos. Ceux du chef de l’Etat sont apparus à tout le moins en porte à faux de la politique du chef du Gouvernement qu’il avait lui-même nommé, et c’est peu dire. Mais le fait est là : dès le début, la population avait en plusieurs circonstances opposé aux forces de l’ordre, chargées d’imposer les mesures anti-pandémiques, une évidente mauvaise volonté, dont, discours présidentiel ou pas, on ne fait que constater actuellement la résurgence.

Il faut à cet effet noter la nouvelle habitude de plus en plus répandue dans des quartiers , des villages, ou des villes, de provoquer des d’attroupements en flagrante violation de la loi et des mesures contre la contagion, dont le but est d’interdire aux autorités municipales l’enterrement des personnes infectées, sous le prétexte du risque de contamination encouru par les habitants.

À Bizerte, le Maire avait évalué à sa juste mesure la teneur d’une telle exigence totalement déraisonnable relativement à l’autorité publique, et fait procéder à l’enterrement, tout en faisant disperser par les forces de l’ordre la manifestation qui menaçait de tourner à l’émeute.

À Medjez El Bab, son collègue, confronté à une situation semblable, a en revanche cédé, ce qui laisse mal augurer de l’avenir. Il y a donc un sérieux problème qui se pose relativement à l’autorité de l’Etat, face à une fraction de la population assez influente qui visiblement essaie de profiter d’une situation assez complexe pour essayer d’intimider le gouvernement tout en sacrifiant la santé de la population, afin de le pousser à changer de politique, en le menaçant de guerre sociale.

Une coalition hétéroclite assez facile à esquisser

La nature de cette coalition hétéroclite est assez facile à esquisser: hommes d’affaires mécontents des préjudices subis; trafiquants de drogue et contrebandiers dont les activités ont été mises sous l’éteignoir par l’actuel état de siège; jihadistes à l’affût d’un mauvais coup; chômeurs rétribués qu’on avait pris l’habitude de mobiliser lors des élections.

Le dictateur est ce militaire à qui dans la Rome Antique le Sénat attribuait des pouvoirs extraordinaires pour une durée déterminée afin de faire face à une situation exceptionnelle grâce à des mesures urgentes.

Le chef du gouvernement arguant à juste titre de la nécessité de recourir à des pouvoirs exceptionnels afin de faire face simultanément à la situation insurrectionnelle qui est en train de s’installer sur tout le pays et aux nécessités de la lutte contre la pandémie au Covid-19 qui en menace à terme 80% de la population , s’est retrouvé confronté à la mauvaise volonté évidente des parlementaires des partis Ennahdha, ses satellites, et Qalb Tounès, au nom de la nécessité de préserver les libertés publiques. On a essayé de vider les pouvoirs requis de toute substance, en exigeant l’exercice d’un contrôle par la présidence du parlement, autrement dit un droit de veto sur les mesures qui seraient prises.

En fin de compte, on est en train de constater qu’en agissant ainsi, le Parlement ne fait qu’empêcher l’Etat d’exercer sa souveraineté en vertu de la loi conformément aux urgences de la situation, et au principe la préservation des vies de ses propres citoyens.

En attendant, au vu de ce qui se passe dans des pays riverains de la Méditerranée, ces journées de soulèvement insurrectionnel contre l’autorité de la loi risquent de valoir leur pesant de sang et de larmes. En 439, Genseric avait pris Carthage. Aujourd’hui, les Vandales sont de retour.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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