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Covid-19 : La Tunisie ne doit pas baisser la garde

En Tunisie, les écarts constatés au cours des deux dernières semaines à la règle de la distanciation sociale, qui plus est en pleine période de confinement général et de couvre-feu décrétés par le gouvernement, pourraient nous réserver de mauvaises surprises. Tout relâchement risque d’être fatal…

Par Pr Faouzi Addad *

Depuis son apparition à Wuhan, en Chine, il y a près de quatre mois, le coronavirus (Covid-19) n’a pas encore dévoilé tous ses méfaits alors que plus de 2 millions d’êtres humains en ont été contaminés, à ce jour, dans le monde.

On n’a pas fini de découvrir les méfaits du coronavirus

Initialement présenté par nos amis chinois (en attendant d’y voir plus clair sur le fameux laboratoire P4 de Wuhan) comme un problème pulmonaire, on est passé dernièrement à un problème cardiovasculaire avec son lot d’arythmie, de thromboses veineuse et artérielle provoquées par l’inflammation.

Voilà aussi que des éléments viennent nous montrer que ce virus s’attaquerait aussi au cerveau des personnes malades. En effet, en analysant des électroencéphalogrammes de patients en soins intensifs, des neurologues français ont noté des anomalies caractéristiques d’une encéphalite inflammatoire et non infectieuse. Ces atteintes sont à l’origine d’un retard de réveil en réanimation et qui peuvent aussi donner des troubles cognitifs à plus long terme.

D’ailleurs, 20% des comas constatés chez des patients Covid-19 en Chine et en Corée du Sud sont restés inexpliqués et pourraient être liés à ces encéphalites. Un autre indice corrobore cette piste, c’est la perte du goût et de l’odorat chez beaucoup de malades qui sont les signes d’une atteinte nerveuse au niveau de la base du cerveau.

Mais nous, en Tunisie, nos problèmes actuels et nos casse-têtes sont ailleurs. L’augmentation des cas d’infection ces derniers jours nous laisse penser que les choses sérieuses vont peut-être commencer et les bains foules devant les bureaux de postes n’ont pas encore révélé toutes leurs conséquences.

La leçon du porte-avion français Charles-de-Gaule

Il est possible que le retard de réveil chez nous soit aussi inquiétant et que nos troubles cognitifs nous poussent à encore une fois négliger la virulence de ce virus, attestée, s’il faut encore une preuve, par l’épisode de la contamination des marins sur le porte-avion français Charles-de-Gaule.

Initialement, à la date du 8 avril, 40 marins avaient des symptômes compatibles avec le coronavirus; puis 2 jours plus tard, ce nombre était monté à 50. Après avoir accosté à Toulon, les tests réalisés sur les 1767 marins révélèrent 668 cas positifs (30%), avec un bilan appelé à augmenter car 30% des échantillons pris n’ont pas encore été analysés.

Cela confirme ce que l’on savait déjà sur la haute contagiosité de ce virus et la proportion importante des formes asymptomatiques (au moment du dépistage) qu’il présente. Mais le plus surprenant tient tout d’abord dans le fait que l’origine de la contamination n’est pas connue car l’équipage n’avait pu descendre à terre qu’entre le 13 et le 15 mars, en respectant les gestes barrières et en évitant les rassemblements avec plusieurs personnes.

Trois semaines se sont donc écoulées entre les symptômes et ce contact sur terre, donc bien au-delà des fameux 14 jours. Et puis, après la suspicion des premiers cas, les masques ont été portés par tout l’équipage avec la désinfection des rampes et des poignées de portes sur le navire, la réduction du nombre de réunions et de participants à ces réunions et le confinement d’une bonne partie du personnel. Malgré toutes ces mesures barrières, au moins un tiers des marins a été contaminé.

Cela doit forcément nous amener à réviser le délai des 14 jours d’incubation du virus avant de libérer les gens en confinement. Cela signifie aussi que le port de masques de protection ne permet pas de protéger dans des situations où la charge virale est importante. Seule, donc, la distanciation sociale est susceptible de limiter les dégâts, le port du masque étant faussement rassurant et donnant un faux sentiment de protection.

Cela pour dire que cette fameuse (et fumeuse) protection par Sidi Mahrez et autres saints-patrons sera bientôt soumise à rude épreuve en Tunisie où les écarts constatés à cette règle de la distanciation sociale pourraient nous réserver de très mauvaises surprises.

Que Dieu protège notre pays !

* Professeur de cardiologie.

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