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Cause du bilan catastrophique des années 2011-2020 : on a détruit l’ancien sans construire le nouveau

La contre-performance économique de la Tunisie durant la période 2011-2020, la pire décennie depuis l’indépendance du pays, est surtout le produit de l’absence de vision, de l’incompétence, de la mauvaise gouvernance et de l’obstination des gouvernements successifs à «détruire l’ancien sans construire le nouveau».

Par Taoufik Baccar *

La période de confinement et l’impact sévère attendu pour les secteurs du tourisme et du transport international qui représentent à eux seuls près de 12% du PIB avec ce que le tourisme génère comme activités connexes, les difficultés du secteur du bâtiment et de l’habitat lui aussi fortement intégré, m’amènent à une estimation de la baisse du PIB entre 8 et 10% pour l’année 2020.

Pour les seuls secteurs du tourisme et du transport internationalة une baisse de 50% de l’activité signifierait la perte au niveau de l’ensemble de l’économie de plus de 5% du PIB, compte non tenu des activités liées au secteur touristique notamment dans l’artisanat, les services et autres.
La période de confinement a impacté elle aussi le niveau global de croissance puisque l’activité s’est arrêtée pour des pans entiers de l’économie et notamment les services marchands.

La croissance annuelle du PIB sur la décennie 2011-2020 serait proche de zéro

Les évaluations relatives à la baisse du PIB de la plupart des pays qui ont opté pour le confinement total pour une période relativement longue et dont les secteurs du tourisme et des services ont un poids important sont d’ailleurs le même ordre de grandeur de l’estimation avancée plus haut.

Une baisse de cet ampleur signifierait que la croissance annuelle du PIB sur la décennie 2011-2020 serait proche de zéro. En des termes simples, le PIB du pays en dinars constants est resté au même niveau entre 2011 et 2020 alors qu’au même moment la population a augmenté de 1.200.000 habitants.

Cette contre-performance est inédite dans l’histoire économique du pays. Elle est à comparer à la croissance des cinq décennies d’avant 2011 :
1962-1971 : 4,4% ;
1972-1981 : 7,8% ;
1982-1991 : 3,4% ;
1992-2001 : 5% ;
2002-2010 : 4,5%.

La contre-performance de la période 2011-2020 se traduirait par une baisse globale du revenu par tête sur toute la période de plus de 10% à dinars constants et de 50% en dollars.

Le taux de chômage, malgré la baisse sensible de la demande additionnelle d’emplois par rapport à la décennie d’avant, pourrait dépasser le seuil de 20% à la fin 2020 contre 13,7% en 2010. Le seuil d’un million de chômeurs soit le double de celui de 2010 n’est pas exclu si des réformes profondes et des mesures vigoureuses de relance ne sont pas engagées sans délai.

On a focalisé toute l’énergie à combattre l’ancien mais pas à construire le nouveau

Ce tableau sombre ne s’explique pas simplement par la pandémie du coronavirus, il est surtout le produit de l’absence de vision, de l’incompétence, de la mauvaise gouvernance et de l’obstination des gouvernements successifs à «détruire l’ancien sans construire le nouveau».

Mon livre que j’ai intitulé à bon escient «Miroir et Horizon : rêver la Tunisie» esquisse les préalables et la démarche pour sortir de la crise dans laquelle s’est mise la Tunisie à force de ne voir dans l’ancien que des ruines.

Ces paroles d’un grand penseur résument la situation du pays :
Le secret du changement est de focaliser toute l’énergie non pas à combattre l’ancien mais à construire le nouveau.

* Ancien ministre du Développement économique et ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie.

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