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Profil : Hichem Mechichi, ses forces et ses faiblesses

La désignation du ministre de l’Intérieur Hichem Mechichi pour composer le prochain gouvernement présente autant d’avantages que d’inconvénients pour toutes les parties concernées : le président Kaïs Saïed, le nouveau promu, les partis, dont la plupart se retrouveront de fait dans l’opposition, et, surtout, pour la Tunisie, qui traverse une phase critique, avec une crise à la fois politique, économique et sociale.

Par Imed Bahri

Au chapitre des atouts de M. Mechichi : il n’est pas un ingénieur franco-tunisien. On commençait à vraiment en avoir ras-le-bol de ce profil. D’ailleurs, il n’est ni ingénieur ni franco-tunisien. Uniquement tunisien. Et tunisien d’extraction populaire, auquel cas ses compatriotes pourraient s’identifier à lui. Il incarne, pour ainsi dire, l’ascenseur social que l’on pensait en panne.

Juriste, énarque et haut fonctionnaire, il connaît donc l’Etat et l’administration. Ce qui créera une complémentarité avec un Kaïs Saïed qui ne connaît rien à l’Etat et à l’administration et qui passé son temps à se chamailler avec les diplomates.

Il est originaire de Jendouba, exactement de Bousalem, même s’il est né à Tunis (Ezzahra). C’est là un précédent. Car c’est la première fois qu’un chef de gouvernement soit originaire de Jendouba et du nord-ouest en général. Cette combinaison d’originaire de l’intérieur du pays (même si ce n’est pas un élu local) et de haut-fonctionnaire connaissant l’Etat et l’administration est une bonne chose.

Il a été, même si c’était un bref passage, ministre de l’Intérieur donc il est bien informé et c’est un avantage.

Ses talons d’Achille

Ce n’est pas un profil économique et le président de la République ne l’est pas du tout. De ce fait, nous avons un couple exécutif bleu économiquement alors que l’étape est éminemment économique et que c’est son principal défi. Espérons qu’il saura s’entourer d’excellents profils économiques aussi bien dans son staff à la Kasbah qu’au gouvernement.

C’est un énarque et les énarques sont plus que corporatistes; ils ont un esprit de caste et se cooptent tout le temps, ils peuvent accaparer tous les postes même ceux pour lesquels ils ne sont pas faits pour. Ça risque de créer une frustration au sein de l’appareil d’Etat et de mettre en place un entre-soi dangereux avec une vision bureaucratique et technocratique du pays détaché de la réalité du terrain. La Tunisie est multiple et doit fédérer tous les profils pour réussir.

M. Mechichi est davantage un haut fonctionnaire de l’Etat qu’un dirigeant politique dans le vrai sens du terme. Il est plus habitué à exécuter des ordres qu’à en donner, plus porté à appliquer des décisions qu’à en prendre lui-même et à en assumer les conséquences. Reste que, souvent, les fonctions révèlent les hommes et dans le feu de l’action, des vocations se révèlent. C’est tout le mal que l’on souhaite à l’enfant d’Ezzahra : se hisser au niveau de sa nouvelle mission.

Autre inconvénient, et pas des moindres, M. Mechichi n’a pas l’appui des partis, dont certains le regardent avec un mélange de curiosité et de suspicion. Ce qui affaiblit sa position au sein du pouvoir exécutif, dominé par le président, et en fait un Premier ministre plutôt qu’un chef de gouvernement.

Ces partis pourraient certes voter la confiance à son gouvernement, pour éviter de faire face à la perspective peu reluisante d’une dissolution de l’Assemblée, mais ils ne se sentiront pas tenus de soutenir ses décisions ou de voter ses projets de lois. Et là, ce sont les affaires de l’Etat qui pourraient en pâtir.

Isolé, n’étant adossé à aucune force politique et devant tout au président, il risque de devenir une cible facile pour tous ceux qui cherchent à atteindre Kaïs Saïed, l’échec du «Premier ministre» pouvant être, au final, imputé au président. Par ailleurs, rigide et impulsif comme il est, ce dernier pourrait aussi, pour un oui ou pour un non, cesser de recevoir son «Premier ministre» et l’abandonner à son triste sort. M. Mechichi devrait interroger à ce sujet son collègue des Affaires étrangères, Noureddine Erray, éconduit avant-hier sans ménagement et livré en pâture à la vindicte des facbookeurs.

Bref, la politique n’est pas un long fleuve tranquille. Et dans la Tunisie post-2011, c’est un monde de bruits et de fureurs. M. Mechichi s’est jeté dans les flots : il doit faire attention autant aux requins qu’au menu fretin, car les coups peuvent venir de partout. Ses trois derniers prédécesseurs, Habib Essid, Youssef Chahed et Elyes Fakhfakh, peuvent en témoigner.

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