05 Août 2020 | 8:57 A LA UNE, ECONOMIE, TRIBUNE, Tunisie
Le ministère des Finances a annoncé que le régime fiscal forfaitaire, dont profitent beaucoup de corps de métiers en Tunisie, sera abandonné à partir de 2021. Reste à savoir si l’Assemblée va adopter cette mesure ou si les lobbys habituels des métiers libéraux, qui y sont fortement représentés, vont infléchir la position des responsables politiques en leur faveur et privilégier les intérêts privés au détriment de l’intérêt général.
Par Amine Ben Gamra *
La croissance en Tunisie en cette année 2020 sera négative, avec faillite d’entreprises et suppression d’emplois. Les deux premiers trimestres ont déjà connu une croissance négative de -6,5%. Les dépenses de l’Etat ont augmenté (aides sociales, chômage technique, budget de 300 millions de dinars pour le soutien des PME, stock stratégique de 350 millions de dinars…), pour des recettes fiscales en très forte baisse. Le manque à gagner en termes de recette fiscale est estimé à plus de 5 milliards de dinars. Alors que l’inflation a rongé le pouvoir d’achat de nombreux citoyens depuis la révolte de 2011.
En Tunisie, l’économie informelle représente, selon certaines estimations, plus de 50% de l’activité économique. Et ce sont les contribuables, à travers des impôts souvent jugés injustes et inéquitables et les contributions conjoncturelles, devenues quasiment annuelles, qui doivent seuls supporter le fardeau fiscal pour faire face au mur de la dette publique, tandis que beaucoup de citoyens échappent encore et toujours à la fiscalité.
Il importe de rappeler, à ce propos, que plusieurs rapports pointent du doigt le fameux régime fiscal forfaitaire dont la contribution ne rapporte quasiment rien au budget de l’Etat. Lors d’une conférence de presse, le mardi 21 juillet 2020, le ministre des Finances, a, en effet, fait savoir que les 400.000 personnes soumises au régime forfaitaire contribuent à hauteur de 0,2% seulement dans les recettes fiscales de la Tunisie.
La crise a été «la balle de délivrance» pour le pays, signant la fin d’un modèle de développement archaïque et qui a permis de passer, enfin, aux réformes structurelles tant attendues. Dans ce cadre, le ministre des Finances, Mohamed Nizar Yaiche, a annoncé que le régime forfaitaire, dont profitent beaucoup de corps de métiers, sera abandonné à partir de 2021.
C’est une bonne décision. Mais la question qui se pose est la suivante : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) va-t-elle adopter cette mesure qui sera inscrite dans la Loi de Finances 2021 ou les lobbys habituels des métiers libéraux, fortement représentés dans l’instance législative, vont-ils infléchir une nouvelle fois la position des responsables politiques en leur faveur et privilégier les intérêts privés au détriment de l’intérêt général, comme cela a déjà été observé auparavant ?
En d’autres termes, peut-on compter sur le patriotisme présumé des députés ou va-t-on subir encore une fois les conséquences de l’égoïsme de beaucoup d’entre eux, un égoïsme désormais suicidaire ?
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
À partir de l’identifiant unique, on peut contrôler fiscalement pratiquement tout le monde dans un pays qui a la taille fiscale d’une region européenne.
Alors que l’on ne continue pas à nous raconter des salades avec l’économie informelle de style tiers monde fatigué. Soit on s’érige en nation digne de ce nom, soit on s’enfonce de plus en plus dans le style république bananière qui ne convient qu’à quelques attardés égoïstes..
Et on accélère, parallèlement, le changement de tous les billets de banque.
Avec ou sans leurs lobbys, les professions libérales vont – à coup sûr – évoquer « le paradis fiscal » dont bénéficient d’autres secteurs beaucoup plus nantis: les grosses fortunes jouissant de la clémence du régime déclaratif, et les contrebandiers qui brassent la moitié du flux monétaire, sans payer le moindre sous. Voyant le Gouvernement mettre à contribution ces gros rentiers, nos médecins, avocats et autres architectes de libre pratique n’auront rien à redire quant à leurs obligations fiscales et citoyennes.