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La CPG en quasi faillite : la solution ne viendra pas de ceux qui en étaient la cause

En 2010, avec un maximum de 6000 agents et ouvriers, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) produisait plus de 8 millions de tonnes de phosphate. Depuis 2011, le personnel a plus que doublé et la CPG n’a pu dépasser 40% de la production de 2010. Aujourd’hui celle-ci est aux arrêts. De cinquième producteur mondial de phosphate il y a 10 ans, la Tunisie est devenue importatrice et la compagnie est au bord de la faillite. A qui la faute ?

Par Mounir Chebil *

En 2010, la CPG avait des centaines de millions de dinars en dépôt dans les banques. Aujourd’hui, les dépôts ont étés bouffés en totalité pour couvrir les déficits successifs, et les compte de la société publique sont aux rouge. Son directeur général, Ali Khemili, a déclaré que la masse salariale des agents de la CPG et de ses filiales, la Société tunisienne du transport des produits miniers et les sociétés de l’environnement, représente près de 70% de son chiffre d’affaires, une menace pour sa pérennité.

La CPG a enregistré 480 millions de dinars de pertes à la fin de l’année 2019. Elle se trouve, ainsi, dans une situation financière difficile, qui l’empêche, entre autres, de payer les cotisations sociales s’élevant à 34 millions de dinars et les impôts estimés à 36 millions de dinars.

Des agents exigeant la prime de rendement pour un rendement zéro

Pourtant, les employés de la CPG perçoivent leurs salaires astronomiques et bénéficient de leurs avancements alors qu’ils avancent à reculons. Des milliers d’ouvriers des sociétés de l’environnement touchent des salaires de la CPG sans avoir planté un seul arbre, alors que les villes du bassin minier sont dans un état de délabrement lamentable. Ces agents ont le culot d’exiger la prime de rendement pour un rendement zéro.

Les agents de la CPG continuent de profiter de leurs avantages y compris ceux servis par le fonds social dont la prodigalité est incommensurable. Ils, continuent d’escroquer le système de couverture médicale. Le sabotage, le vol et la corruption sont monnaie courante.

Tout est prétexte pour organiser des grèves. Des terroristes perturbent, aux yeux de tous, l’acheminement du phosphate vers Gabès ou Sfax. Ils sont financés par la mafia de la région. Des voyous continuent de faire les sit-in, fermant l’accès aux lieux de production pour exiger leur recrutement par la compagnie déjà en sureffectif. Ils sont soutenus eux aussi par toute la classe politique. Leurs actions sont jugées légitimes. Les résultats des concours de recrutement donnent lieu à des rixes claniques sanglantes. Aucun parti n’a condamné leur crime, y compris ce Parti destourien libre (PDL) occupé à ramasser, à coup de fanfaronnades populistes, des voix à mettre dans sa tirelire.

Tout le chiffre d’affaires de la CPG est dépensé sur place

Si on comptait la masse salariale, les frais d’entretien et de maintenance du matériel servant à l’extraction de ce minerai maudit, l’achat des équipements, le paiement de la pléthore des sous-traitants, on pourrait dire que tout le produit du phosphate de la région de Gafsa est consommé sur place. Donc, depuis 2011, l’Etat n’a rien perçu de ses revenus. Les autres régions du pays, n’ont rien vu de cette richesse nationale. Le comble c’est que des parlementaires minables, des politiciens merdiques, des charlatans journalistes, des chroniqueurs à la petite semaine, des ministres lâches, nous les gonflent avec leur discours populistes, attisant un régionalisme pervers. Ils crient haut et fort que la région de Gafsa est spoliée de ses richesses au profit des régions côtières, alors que tout le chiffre d’affaires de la CPG est consommé sur place. Ces «politichiens» opportunistes et calculateurs ont encouragé ou soutenu ou cautionné tous les abus qui ont causé la faillite de la CPG.

Personne ne dit que c’est l’Etat qui, à Gafsa même, avec l’argent du contribuable, construit les routes, les édifices publics de toutes sortes, payent les agents publics de tous les secteurs publics. Ainsi, dans la région de Gafsa pompe-t-on, non seulement dans la caisse de la compagnie, mais dans les poches des contribuables. La CPG a non seulement causé sa propre faillite, mais aussi celle du Groupe chimique tunisien (CGT) basé à Gabès. Cette compagnie, dont on dit qu’elle faisait nourrir toute la Tunisie, n’est même pas capable de se maintenir en vie par ses propres ressources.

La CPG court à sa faillite, entraînant derrière elle la faillite de toute une région. La vieille est retombée dans la pauvreté après avoir égorgé sa poule aux œufs d’or. Son personnel et tous ceux qui seraient touchés par cette faillite mettront la région à feu et à sang, pour exiger de l’Etat de maintenir la société en vie, de combler son déficit au détriment du contribuable, et de servir les salaires astronomiques à des gens qui ne savent que faire les grèves. Or, l’Etat ne pourra jamais combler ce gouffre sans fond, surtout avec l’ambiance empoisonnée qui prévaut actuellement à Gafsa et dans le pays.

La banqueroute de la CPG n’est qu’un élément de toute une politique visant à détruire l’économie de la Tunisie.

Dès le début, les Frères musulmans au pouvoir ont planifié l’effondrement systématique du tissu économique du pays. Premièrement, sur le plan économique, ils sont pour un mercantilisme primaire calqué sur celui de la Mecque du temps du prophète Mohamed. Ce système a généré la contrebande et le marché parallèle à outrance, ouvrant le pays à l’importation sauvage. Cela a nui à l’industrie locale et à l’emploi.
Deuxièmement, devant la résistance de l’Etat et de la société à leur projet islamiste, ils se sont attaqués aux secteurs productifs du pays, publics et privés, pour entrainer leur faillite. Cela engendrerait des agitations sociales qui évolueraient en boule de neige, qu’ils pourraient exploiter pour imposer l’Etat islamique inféodé à la Sublime Porte.

Au lieu de se dresser contre le projet islamiste, les courants de gauche, les démocrates de tous bords, les nationalistes, les syndicalistes… ont d’une manière consciente ou inconsciente ajouté de l’eau au moulin intégriste. Ils étaient avec les islamistes sur les barricades dressées lors des agitations sociales et politiques, croyant gagner en popularité et pouvoir monter eux aussi au pouvoir. Démagogie, sophisme, populisme, régionalisme, clanisme ont été mis à l’avant pour monter au créneau. Ils ont tous, sans exception, causé la faillite de l’Etat et de toutes ses entreprises économiques ainsi que celles de beaucoup d’unités du secteur privé.

Aucun parti n’a appelé au travail, à l’arrêt de l’anarchie; au contraire, ils ont obéi à la logique du «chaos créatif» qui n’a créé que misère et désolation. Tous ont poussé au pourrissement de la situation de la CPG pour se positionner sur l’échiquier politique.

Pour un plan d’assainissement drastique imposé par l’Etat

Il faut que les agents de la CPG prennent conscience qu’au lieu de dignité, les syndicalistes et les politiciens de tous bords qui les ont manipulés, ainsi que les médias, vont leur servir, au menu quotidien, un plat de phosphate au lieu d’un plat de couscous à l’agneau. Il faut qu’ils se mettent à l’évidence que l’hémorragie doit être stoppée et que la récréation doit s’arrêter. Il faudrait qu’ils adhèrent de gré ou de force à un plan d’assainissement drastique imposé, sans état d’âme, par l’Etat pour que la compagnie se remette debout et contribue au développement de la région de Gafsa ainsi que des autres régions du pays. La contribution fiscale du pauvre éboueur pour financer le redressement de la CPG ne doit plus couvrir, à fond perdu, les folies des agents de la compagnie et des culs terreux qui les manipulent. Il est impératif que cette compagnie soit mise sous la tutelle de l’armée pour faire régner la discipline et la rigueur en son sein, quitte à ce que des officiers soient impliqués dans sa gestion. Ceux qui s’interposent à la production ou au transport du phosphate doivent être dénoncés et traités comme des terroristes.

Le laxisme de l’Etat qui a prévalu a été stérile et nocif. Aujourd’hui, Hichem Mechichi doit frapper sur la table, dénoncer les complots contre le peuple et faire taire les poules qui caquettent, les ânes qui brayent, les chiens qui aboient et les babouins qui grognent. Il faut qu’il s’adresse au peuple pour lui faire prendre conscience des dangers qui l’entourent. Il lui faut conquérir la légitimité du peuple pour mettre en œuvre les grandes décisions dont le redressement de la CPG, au lieu de tournoyer autour des ronds de cuir qui ne font que magouiller pour le faire tomber, et se quereller pour la mise à mort de cette Tunisie agonisante.

Donc, monsieur Méchichi, même si on ne se fait pas beaucoup d’illusion sur votre détermination et votre audace, c’est à vous seul de trancher dans le vif par voie d’autorité. La solution à la faillite de la CPG, qui risque d’être la marque de votre mandat, ne viendra jamais de ceux qui en étaient la cause.

* Analyste politique.

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