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Rached Ghannouchi, à quand la retraite ?

Au terme de neuf ans de pouvoir et de neuf ans d’échecs cuisants ayant mis la Tunisie à genou et fait douter les Tunisiens des vertus même de la démocratie et souhaiter une dictature qui les fasse renouer avec la prospérité perdue, le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, serait plus inspiré de prendre une paisible retraite de grand-père.

Par Mounir Chebil *

L’Angleterre l’a couvé et gâté. Hilary Clinton a fait un coup d’Etat pour lui baliser le chemin du pouvoir. Tous les pays occidentaux ont pris le relais pour le porter au sacre. Le Qatar lui a ouvert une ligne de dons aux fonds intarissables. Quand la Tunisie était frappée par la sécheresse, les nuages qataris inondaient de dollars le temple bleu du quartier de Monplaisir, quartier de Tunis où se trouve le siège central du parti islamiste Ennahdha. Les caisses de l’Etat ne lui étaient pas impénétrables. Des fidèles lui versaient la zakat. La Turquie se démène pour le sacrer gouverneur de son département d’Ifriqiya. Erdogan a même mis de gentils coupeurs de gorges à sa disposition. Il a conquis la Libye pour les lui envoyer en secours. Des eunuques de gauche comme de droite se sont fait la guerre pour le servir, espérant l’honneur d’avoir une place sur ses genoux noueux. Il a ses bureaux dans les coins les plus reculés du pays avec toute la logistique indispensable : argent, militants professionnels, voitures, bus, téléphones, ordinateurs… Ses partisans ont partout distribué des aides de toutes sortes pour les humains et les animaux. Les médias ont été achetés. Pas un plateau télévisé ne se fait sans au moins un Nahdhaoui pour défendre le gourou ou un mercenaire qui s’ingénue pour être plus royaliste que le roi. Pas un journal n’ait publié sans contenir des pages consacrées au gourou et à sa secte islamiste. Les réseaux sociaux sont infestés par des armées mobilisées pour la propagande islamiste ou le lynchage des adversaires. Le pays est mis à feu et à sang pour intimider la population.

Quel gâchis pour la Tunisie et quelle désillusion pour ses sponsors !

La planète entière s’est mobilisée pour Rached Ghannouchi et sa secte. Au lieu du pouvoir pour imposer sa charia, il en est arrivé, en ce mois d’août 2020, non pas à postuler la magistrature mais, à miauler, comme le chat qui demande les restes d’un poisson, et ce, pour préserver son poste de président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et pour quémander un portefeuille ministériel pour l’un de ses fidèles dans le gouvernement Méchichi en cours de constitution. Quel gâchis, et quelle désillusion pour ses sponsors. Dans un autre contexte, Jacques Prévert avait dit: «Que de barricades pour six malheureuses sardines.»

Bourguiba demeure dans le cœur des Tunisiens. Son âme qui continue à planer sur la Tunisie a étouffé le gourou. Le centenaire Béji Caïd Essebsi (Bajbouj), ce renard dans la carapace d’un rhinocéros, est venu lui casser l’échine alors qu’il était dans la plénitude de sa force. Les braves ont neutralisé ses jeunes zélés qui lui rappelaient sa jeunesse. C’est là le miracle tunisien: ni guerres civiles ni coup d’Etat. Ce sont là les pièces maîtresses dont a disposé Kaïs Saïed pour faire son échec et mat devant un adversaire dont le bluff sur les tables de poker ne lui a pas servi sur le tablier du jeu d’échecs.

Après un échec si cuisant, un Japonais choisit le hara-kiri. Mon éducation ne me permet ni de souhaiter la mort ou la maladie ou la misère à aucun être humain. Alors, je souhaite à «tonton Rchouda», une retraite paisible d’un grand-père cajolé et une sincère réconciliation avec Dieu auquel il a tourné le dos depuis belles lurettes.

Panser les plaies d’un chaos islamiste de neuf ans

Mais, que Ghannouchi accepte la retraite ou non, le Tunisien saura panser ses plaies d’un chaos islamiste de neuf ans. Il est berbère, il ne casse pas. Il plie, puis, se relève avec plus de force. «Eddawam younkeb errakham» («La durée brise le marbre»). Celui qui a laissé ce dicton en héritage, ne permettra à personne de le déranger dans sa tombe. D’ailleurs, la malédiction est tombée sur ceux qui se sont aventurés dans cette voie. Monsieur Kaïs Saïed, à bon entendeur salut.

* Analyste politique.

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