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Le cauchemar des jeunes ne doit pas devenir celui de toute la Tunisie

Manifestations de jeunes à l’Avenue Bourguiba, à Tunis.

Ces jeunes Tunisiens qui manifestent et cassent chaque soir ne demandent, dans leur écrasante majorité, que le respect de leurs droits stipulés par la constitution. Ils ont le rêve de tout adolescent dans le monde. Même si certains d’entre eux réagissent irrationnellement au cauchemar qu’ils vivent, faisons un effort sincère et sérieux pour que leur cauchemar ne devienne pas celui de tout le pays.

Par Elyes Kasri *

Les scènes nocturnes de violence et de brigandage dans plusieurs villes de Tunisie rappellent les événements de décembre 2010 et janvier 2011 avec leur lot de jeunes désœuvrés et désespérés, des véhicules mystérieux qui distribuent des pneus et des billets de banques en plus d’autres substances psychotropes.

Il ne reste plus au scénario funeste de 2010-2011 que les tireurs d’élite qui demeurent, après dix ans, un mystère impénétrable.

Une décennie de gouvernance catastrophique

Ces jeunes insoumis que beaucoup qualifient de délinquants et de brigands, deviendront-ils comme leurs prédécesseurs des héros et martyrs de la prochaine «révolution» exigeant des centaines de millions de dédommagement à faire assumer par le pauvre contribuable qui a été déjà saigné à blanc par une décennie de gouvernance catastrophique, de pillage économique et de compensations qui considèrent la Tunisie comme un butin de guerre?

Ces «casseurs» qui saccagent et pillent chaque soir sont dans leur écrasante majorité des adolescents qui n’ont connu ni Bourguiba ni Ben Ali.

Ce sont les enfants de la révolution de la liberté et de la dignité qui réalisent que leurs droits les plus élémentaires à l’alimentation, à la sante, à l’éducation et au travail leur ont été dérobés par une administration et une classe politique véreuses et pourries ayant pour seul souci leurs avantages et privilèges.

Une décennie de slogans creux et de gestion catastrophique

Les privations quotidiennes et les scandales à répétition de l’administration et de la classe politique sont considérés comme une agression continue par ces jeunes qui ont besoin d’écoute et d’espoir et certainement pas de matraques ni de discours hypocrites qui n’ont pour objectif que de gagner du temps pour mieux saigner le pays et détruire l’avenir des futures générations.

Après la léthargie de la période de fin de règne de Ben Ali, une décennie de slogans creux, de discours hypocrites, de gestion catastrophique gouvernementale et syndicale et de malversations, a produit une génération désespérée prête à mourir en mer, sur les théâtres de terreur ou dans les rues.

Entre un président de la république, empêché constitutionnellement de traduire sa légitimité électorale en action salvatrice, un président du parlement à la tête de tous les sondages d’impopularité et un chef de gouvernement dépourvu de légitimité politique et électorale et qui ne doit son poste qu’à une erreur de calcul du président de la république et cherche à asseoir sa légitimité sur des partis politiques considérés comme les symboles de tous les maux de la Tunisie, la voie du salut semble de plus en plus incertaine.

Ces jeunes qui manifestent et cassent ne demandent, dans leur écrasante majorité, que le respect de leurs droits stipulés par la constitution.

Ils ont le rêve de tout adolescent dans le monde. Même si certains d’entre eux réagissent irrationnellement au cauchemar qu’ils vivent, faisons un effort sincère et sérieux pour que leur cauchemar ne devienne pas celui de tout le pays.

Mechichi, prouvez que vous n’êtes pas une anomalie éphémère.

Ni matraque ni appel à l’ordre ou à des propositions, assumez vos responsabilités en relançant l’ascenseur social et en offrant des perspectives d’avenir rassurantes et crédibles à ces jeunes qui crient leur refus des mensonges, de l’hypocrisie et de la marginalisation.

Les nuages à l’horizon sont de plus en plus lourds et les chances de les dissiper s’amenuisent.

Qui sème le vent, cueille la tempête.

* Ancien ambassadeur en Allemagne.

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