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Les légumineuses alimentaires, un précieux patrimoine en danger (1/2)

Les légumineuses, riches en protéines, ont représenté depuis longtemps une alternative bon marché aux protéines animales et ont été considérées comme la viande des pauvres. Dans la région méditerranéenne, leur culture est fortement ancrée depuis très longtemps et elles font partie du régime méditerranéen connu pour ses bienfaits sur la santé. La tendance végétarienne dans le monde a donné une impulsion importante à la consommation des légumineuses.

Par Ridha Bergaoui *

Les légumineuses (fèves, féveroles, lentilles, haricots, pois et pois chiches…) sont des plantes riches en protéines. Très bon marché, elles jouent un rôle important aussi bien en matière d’alimentation qu’en matière de préservation de l’environnement. Compte tenu de l’important rôle de ces plantes dans l’équilibre alimentaire et la santé des populations ainsi que leur effet bénéfique sur la structure et la fertilité des sols, la FAO a décrété le 10 février de chaque année journée mondiale des légumineuses.

Intérêt agronomique des légumineuses

Les légumineuses ont la particularité de posséder des nodosités au niveau des racines. Ces nodosités hébergent des bactéries qui fixent l’azote de l’air. De ce fait elles n’ont pas besoin d’une fumure azotée au cours de la culture et laissent dans le sol les nodosités riches en azote. Elles représentent ainsi un excellent précédent cultural surtout que les parcelles cultivées sont constamment maintenues propres sans mauvaises herbes. Les légumineuses sont ainsi des cultures nettoyantes et enrichissantes. Elles sont considérées comme un excellent précédent cultural des céréales dans l’assolement.

Des atouts nutritionnels et de santé indiscutables

Les légumineuses sont riches en protéines, acides aminés, fibres et vitamines. Les teneurs sont variables selon les espèces et les variétés. Les fibres indigestibles favorisent le transit digestif alors que les glucides complexes se digèrent lentement et apportent une sensation de satiété. Les légumineuses sont également d’importantes sources de minéraux (magnésium, potassium, sélénium, fer…). Elles sont pauvres en lipides (sauf le soja) et comme tous les végétaux ne contiennent pas de cholestérol.

Les légumineuses contiennent des facteurs antinutritionnels (FAN) qui peuvent entraîner une mauvaise digestion et assimilation des éléments nutritifs. Toutefois, d’une part les teneurs en FAN des légumineuses dépendent de la variété et d’autre part, le trempage, le décorticage et la cuisson détruisent la plus grande partie de ces FAN.

La consommation des légumineuses entraîne un bon état de santé général. Elles permettent de bonnes fonctions intestinales et une bonne santé cardiaque.

Le régime méditerranéen

Le régime méditerranéen est constitué essentiellement de céréales, légumes frais ou secs. Les légumineuses complètent l’apport protéique des céréales. L’huile d’olive est la principale source de lipides. Poisson, viande blanche et œufs sont consommés modérément. La viande rouge est consommée quelques fois ainsi que du fromage et le lait. Le régime méditerranéen est ainsi riche en fibres, vitamines et minéraux et pauvre en cholestérol et en acides gras saturés. Il est le symbole d’une alimentation équilibrée, saine, bonne pour la santé.

La montée du végétarisme

Considéré, il y a quelques années, comme un aliment indispensable pour la bonne santé, la consommation de la viande, connaît de nos jours une stagnation sinon une chute sensible.

Ce nouveau comportement du consommateur a plusieurs origines. Tout d’abord, il a été démontré qu’une consommation élevée en viandes, charcuteries et produits d’origine animale (beurre, œufs…) entraîne des ennuis graves de santé : problèmes cardiovasculaires, hypertension, obésité, diabète… D’autre part de nombreux scandales alimentaires, rapportés et largement commentés par les médias, ont secoué, fin des années 1990, le secteur de l’élevage (crise de la vache folle, crise de la dioxine, viande avariée…). L’usage abusif des antibiotiques dans les élevages est à l’origine de la biorésistance chez l’homme et rend difficile les traitements de certaines maladies.

Grace à Internet et les réseaux sociaux, le consommateur est devenu plus sensible à la souffrance animale et aux conditions pénibles d’élevage et d’abattage des animaux particulièrement ceux des les élevages intensifs.

Enfin, l’élevage est en partie responsable, soit directement par le dégagement du méthane par les ruminants soit indirectement suite à la surconsommation des ressources (eaux, sols, énergie, forêts…), du changements et réchauffement climatiques.

Pour toutes ces raisons, la consommation de viandes, dans les pays développés, est en diminution nette avec en contrepartie le développement de la tendance végétarienne considérée plus saine. Celle-ci comporte plusieurs nuances allant d’un rejet total de la consommation des protéines animales (y compris œufs, lait, miel, poisson…) à la consommation occasionnelle (flexitarisme ou semi végétarisme) et même à un mode de vie (véganisme) qui interdit toute consommation et usage de produits provenant des animaux (vêtements, entretien, cosmétiques…).

Pour faire face au refus de la consommation des viandes et à la demande en protéines non animales de plus en plus importante, de nombreuses alternatives ont été proposées.

Les alternatives à la viande

On peut citer tout d’abord la viande de synthèse. Il s’agit d’une viande cultivée dans des réacteurs à partir de cellules souches. De nombreux laboratoires dans le monde s’activent à simplifier le procédé et surtout réduire le prix de revient. Cette viande de synthèse est déjà autorisée dans certains pays comme Singapour où des restaurateurs se préparent à la cuisiner.

Il y a également les insectes qui sont largement consommés en Asie. L’élevage des insectes permet d’avoir des protéines animales et de l’huile de qualité. La consommation des insectes se heurte toutefois à des préjugés et à l’absence dans certains pays d’habitudes alimentaires.

Les algues représentent également une alternative intéressante à la viande et peuvent être utilisées directement ou après transformation par les industries agro-alimentaires.

Les légumineuses, riches en protéines, ont représenté depuis longtemps une alternative bon marché aux protéines animales et ont été considérées comme la viande des pauvres. Dans la région méditerranéenne, la culture des légumineuses est fortement ancrée depuis très longtemps. Celles ci font partie du régime méditerranéen connu pour ses bienfaits sur la santé. La tendance végétarienne dans le monde a donné une impulsion importante à la consommation des légumineuses.

Pour répondre à une demande de plus en plus croissante en protéines végétales, les industriels ont intensifié leurs recherches pour d’une part essayer d’incorporer les légumineuses dans les préparations existantes et d’autre part créer de nouvelles utilisations.

Nouvelles voies de valorisation des légumineuses

Les légumineuses permettent d’enrichir le produit élaboré en protéines sans apport de graisses. Elles permettent également d’éviter le gluten contenu dans les protéines des céréales et responsable, chez certaines personnes allergiques, des maladies cœliaques graves.

À partir des légumineuses broyées, auxquelles on ajoute diverses épices et aromates, les industriels de la «foodtech» ont réussi à produire des aliments simili-carnés ou «meat like» comme des nuggets, des saucisses, des steaks, des boulettes et du haché cent pour cent végétaux, tout en ayant les mêmes caractéristiques organoleptiques de la vraie viande.

La farine des légumineuses peut être utilisée pour préparer des produits diététiques et exempts de gluten : crêpes, pancakes, pizzas, beignets, gâteaux….

Avec les légumineuses, on peut préparer un genre de fromage, semblable au tofu obtenu à partir du soja, qui peut être cuisiné de différentes façons.

Réduites en farine, les légumineuses peuvent être utilisées pour extraire un ensemble de composants et surtout des matières protéiques végétales (MPV) dont les usages sont très variés et le marché en pleine expansion. Les MPV sont très demandées pour leurs propriétés technologiques intéressantes (gélifiantes, émulsifiantes, coloration, aromatisation…) et peuvent être utilisées dans la fabrication de nombreux produits (plats préparés, boulangerie et pâtisserie). Elles permettent de réduire les additifs chimiques traditionnels.

Les industriels s’efforcent d’élaborer des produits rapides et faciles à préparer, à appétibilité élevée et n’entraînant pas de troubles digestifs désagréables. Des recherches sont en cours pour fabriquer des produits innovants à base de légumineuses comme des pâtes à tartiner, des crèmes, différents types de fromage…

Les produits issus des légumineuses bénéficient chez le consommateur d’une bonne image. Ils sont considérés sains et respectueux de l’environnement. Ne contenant pas d’OGM, ils peuvent être certifiés bio.

Conclusion

La consommation de viande dans le monde est en train de décroître. À long terme, les élevages industriels très polluants seront voués à la disparition. L’élevage sera plus éthique et se fera désormais dans le cadre d’une agriculture durable respectueuse de l’environnement (réduction des émissions de gaz à effet de serre, déforestation et consommation d’eau et d’énergie).

Les légumineuses sont des alliés sûrs de l’environnement et de l’homme. Elles sont promues normalement à un excellent avenir et auront un rôle nutritionnel décisif auprès des populations démunies et des végétariens de plus en plus nombreux. Les classes sociales aisées sont exposées à des problèmes graves de santé suite à une surconsommation de protéines animales. La substitution d’une partie des viandes par des légumineuses permet d’équilibrer le régime et d’avoir une alimentation plus saine.

Les légumineuses sont devenues «la star de l’agroalimentaire». Les industriels font des efforts pour élaborer, à partir des légumineuses, divers produits innovants. Ces produits doivent être : appétissants, sains, nutritifs et faciles à préparer.

* Professeur universitaire.

Prochain article : 2- Nécessité d’une stratégie pour la création d’une filière «légumineuses alimentaires»

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