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La Tunisie desservie par une diplomatie de farniente et de bras cassés

Siège du ministère des Affaires étrangères à Tunis.

En plein débat sur la quasi-absence de la diplomatie tunisienne sur la scène internationale et le rôle qu’elle aurait dû jouer pour aider notre pays à sortir de la crise asphyxiante qu’elle vit aujourd’hui, le président de la république a mis fin à la mission de nombreux ambassadeurs et consuls, sans donner d’explication à sa décision que beaucoup d’observateurs ont assimilé à une sanction infligée aux diplomates ainsi démis de leurs fonctions. On a évoqué diverses raisons : corruption, incompétence, faible rendement, clientélisme politique…

Par Imed Bahri

Quoi qu’il en soit, le sentiment partagé par une majorité de Tunisiens est que ces chers ambassadeurs, qui coûtent si cher à la communauté nationale, ne brillent pas par une activité débordante dans les capitales où ils sont en poste et, au moment où leur pays fait face à des pressions politiques de la part de ses principaux partenaires internationaux, dues à des malentendus et des incompréhensions, ils font preuve d’une quasi-absence, ne faisant pas l’effort de communication et d’explication attendu d’eux auprès des acteurs politiques et médiatiques dans leurs pays d’exercice.

Cette introduction nous a été dictée par la lettre que nous avons reçue de la part d’un citoyen tunisien vivant en Pologne depuis une vingtaine d’années, où il nous fait part de son «soulagement» (sic!) en apprenant que le président Kais Saied a mis fin à la mission de notre ambassadeur à Varsovie, Sghaier Fatnassi.

Quasi-absence de la scène diplomatique mondiale

«Je ne suis pas rancunier envers qui que ce soit, mais ce bonhomme est arrivé en Pologne pour passer des vacances aux frais de la princesse, touchant un salaire et attendant tranquillement la retraite, alors que notre pays vit une grave crise économique», écrit ce citoyen qui déplore le manque d’intérêt de la Tunisie pour le développement de ses relations avec ce pays est-européen où la Tunisie pourrait trouver des débouchés importants pour ses produits et services et où certains de nos concurrents, comme le Maroc, la Turquie ou l’Egypte, sont déjà bien implantés, grâce à une intense activité de prospection, adossée à une diplomatie dynamique et entreprenante.

«Le prédécesseur de M. Fatnassi était encore pire. Il avait décliné l’invitation de la Chambre économique de la ville de Lodz qui organisait le congrès  »Poland Arabia » regroupant des hommes d’affaires de l’ensemble des pays arabes et leurs homologues polonais», ajoute notre correspondant. «Tous les pays arabes étaient présents sauf la Tunisie, qui a le plus besoin de dynamiser et d’intensifier ses relations économiques avec la Pologne, un pays qui galope à 6,5% de taux de croissance et qui vient de bénéficier de plus de 170 milliards d’euros d’aide de l’Union européenne pour la période 2021-2027)», regrette-t-il encore avec amertume, estimant que notre pays est en train de rater stupidement de précieuses opportunités en raison de l’égoïsme, de la paresse et de l’irresponsabilité de ses propres enfants.

Doucement le matin, pas trop vite le soir…  

Pour ne rien arranger, les ambassadeurs tunisiens qui se sont succédé à Varsovie ne prennent même pas contact avec les Tunisiens déjà établis en Pologne, où ces derniers disposent de relais intéressants dans les milieux diplomatique, médiatique et des affaires et qui auraient pu les aider à établir des contacts précieux pour des coopérations futures entre les institutions nationales de promotion des activités économiques à l’étranger, comme le Cepex, l’ONTT, l’APII ou la Fipa, et les opérateurs locaux qui sont, eux aussi, à la recherche de nouveaux partenariats, notamment en Afrique et dans le monde arabe, déplore encore notre interlocuteur qui s’interroge sur les critères souvent pris en compte par les autorités à Tunis pour désigner nos représentants à l’étranger.

Parmi ces critères, on le sait, et qui n’aident pas à placer les responsables qu’il faut à la place qu’il faut, on peut citer le clientélisme politique, le népotisme, le régionalisme et la complaisance corporatiste, sans parler des cadeaux de fin de carrière, qui se traduisent par le placement dans des capitales importantes de quasi-retraités sinon de bras cassés qui se la coulent douce : doucement le matin, pas trop vite le soir et entre les deux il faut rien leur demander.

Et dire que certains Tunisiens, qui ne comprennent rien à la mission d’un ambassadeur, se plaignent du fait que des ambassadeurs de pays étrangers en poste en Tunisie qui, pour bien mener leur mission, se déplacent partout dans notre pays et se rendent même dans les zones les plus reculées ! C’est là pourtant que réside toute la différence entre un bon ambassadeur et un simple carriériste.

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