Près de 5 ans après la chute du clan Ben Ali, ses avoirs bloqués dans les banques suisses tardent à être restitués à la Tunisie. Le procureur général suisse s’explique…
Par Wajdi Msaed
Après une séance de travail qui a réuni, dans la matinée du 12 octobre, les représentants du ministère public de la Confédération Suisse et les autorités judiciaires tunisiennes autour des différents volets de la coopération bilatérale en matière judiciaire, le procureur général suisse, Michael Lauber, a donné une conférence de presse pour présenter des éclaircissements sur la procédure judiciaire relative aux dossiers du blanchiment d’argent et de la restitution des avoirs mal acquis déposés dans les banques suisses.
La phase décisive
En guise d’introduction, le procureur général suisse a souligné que sa visite en Tunisie vise à renforcer la coopération bilatérale et à aider les autorités judiciaires, en Tunisie et en Suisse, à atteindre la phase décisive du processus de restitution des fonds spoliés à la Tunisie et gelés dans les banques suisses. Il a indiqué, à ce propos, que les enquêtes se poursuivent de part et d’autre. «Nous oeuvrons, ensemble, à dévoiler la vérité, en respectant les principes de travail dans les deux pays», a-t-il ajouté.
M. Lauber a précisé, à cet égard, que la procédure pénale ouverte par le parquet suisse sur les avoirs du clan Ben Ali déposés en Suisse a été orientée vers l’inculpation de 12 personnes soupçonnées de blanchiment d’argent (art 305 bis du code pénal suisse), de participation et de soutien à une organisation criminelle (article 260 ter) et de corruption d’agent public étranger (art 322).
S’agissant du montant de 60 millions de francs suisses (122 millions de dinars tunisiens ) appartenant aux membres du clan de l’ancien président Ben Ali et que la justice de son pays a bloqué dans les banques, M. Lauber a ajouté que les commissions rogatoires travaillent de manière continue en vue d’aboutir à des résultats définitifs et de restituer le montant en question.
Une mission difficile
En réponse aux questions posées par l’assistance, le procureur général suisse a indiqué que la mission de restitution des avoirs n’est pas aisée et qu’une procédure pénale nécessite, aussi, de bien examiner les dossiers et de voir leur portée pénale.
«Notre expérience avec le traitement des grands dossiers internationaux nous a montré qu’il est assez difficile de déterminer des délais; mais ce qui permet d’accélérer le processus c’est la collaboration efficace avec les autorités tunisiennes en matière d’échange d’information», a dit M. Lauber.
«La contribution tunisienne est décisive pour surmonter d’éventuels obstacles juridiques et une collaboration internationale coordonnée est également indispensable surtout que le principe de célérité nous oblige à accélérer les procédures», a-t-il ajouté.
Interrogé à propos des pressions que le parquet suisse pourrait subir de part et d’autre, M. Lauber a affirmé sans ambages: «Nous avons des pressions pour aller plus vite et le public suisse n’arrête pas de nous rappeler que nous travaillons pour le compte de la Suisse et non pour celui de la Tunisie». Voilà qui a le mérite d’être clair…
Commentaire désabusé d’un journaliste présent : «Toute notre crainte est que notre argent soit dépensé dans les frais de justice et les honoraires d’avocats». Et c’est tout le paradoxe de cette situation, la Tunisie étant encore dans l’incapacité de récupérer l’argent de l’ancien clan au pouvoir déposé dans les banques suisse, près de 5 ans après la chute de ce clan !
A cela, M. Lauber n’a qu’une explication : la complexité des procédures. Une complexité bien suisse en somme.
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